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Carte blanche - Le Conseil d'État menacé par les velléités nationalistes

Conseil d'État
Publié le 19 février 2024

Face aux nationalistes flamands qui s’attaquent au Conseil d’État, Ecolo souhaite préserver la justice de notre pays et défendre l’égalité.

En tant qu’écologistes, nous sommes depuis toujours attaché·es à l’organisation fédérale de notre pays et de nos institutions. Celles-ci doivent être fortes, efficaces et être à même de traiter les citoyennes et les citoyens de manière juste et égale.

Le Conseil d’État, juridiction administrative essentielle dans notre État de droit, est aujourd’hui menacé pour servir le projet nationaliste de certains partis flamands, au détriment de la population. Nous le dénonçons et souhaitons qu’un recours devant la Cour constitutionnelle soit introduit.

Une juridiction essentielle et du quotidien

Pouvoir compter sur un Conseil d’État solide et en mesure de remplir efficacement ses missions, cela nous concerne toutes et tous. Il est en effet amené à se prononcer sur des aspects importants de notre vie quotidienne. L’établissement scolaire de votre enfant a décidé de son redoublement et vous contestez la légalité de cette décision ? C’est devant le Conseil d’État que vous pourrez introduire un recours. Vous pensez que le permis délivré par une autorité publique à un voisin ne respecte pas les règles urbanistiques ? C’est également le Conseil d’État qui pourra trancher la question.

En tant que haute juridiction administrative, le Conseil d’État veille à la légalité des actes administratifs en matière d’enseignement et d’urbanisme mais également de fonction publique, d’environnement ou encore de marchés publics, par exemple. Il s’agit d’une institution fondamentale dans un État de droit : le Conseil d’État est là pour s’assurer que les autorités adoptent des actes qui respectent la loi, ce qui prémunit contre les décisions arbitraires et garantit donc l’égalité de traitement entre les citoyennes et citoyens. C’est bien notre affaire à toutes et tous.

Une juridiction en voie de détricotage

Cette égalité de traitement est pourtant aujourd’hui mise en danger. Le Conseil d’État, comme d’autres institutions fédérales, est la cible de certains partis flamands, pour qui l’agenda communautaire prévaut sur l’intérêt collectif. Dans ce cas-ci, la volonté est d’aller vers une défédéralisation accrue voire totale de la Justice.

L’histoire se joue en plusieurs actes, selon un schéma déjà bien éprouvé.

Pour commencer, les autorités flamandes créent plusieurs juridictions administratives flamandes et leur confient des pans entiers de la justice administrative auparavant dévolus au Conseil d’État. Ce dernier voit ainsi ses compétences amoindries, de façon asymétrique entre les affaires flamandes et celles issues des autres entités fédérées.

Ensuite, les autorités flamandes s’attachent à gonfler progressivement les compétences des juridictions administratives qu’elles ont créées. Selon la Constitution, seule l’autorité fédérale peut en principe retirer des compétences au Conseil d’État. Qu’à cela ne tienne, le Gouvernement flamand mobilise la technique des “compétences implicites” pour arriver à ses fins de façon plus insidieuse. Cette technique permet à une entité de faire une incursion marginale dans les compétences d’une autre entité, si et seulement si c’est strictement nécessaire pour exercer ses propres compétences. Elle ne peut en aucun cas être utilisée pour détourner à son profit les compétences d’une autre entité. Récemment, la Section de Législation du Conseil d’État a été appelée à rendre des avis sur la constitutionnalité de deux décrets flamands en la matière. Elle est sans équivoque : les conditions pour faire appel aux compétences implicites ne sont pas remplies – la Région flamande n’est pas compétente. S’asseyant sur les avis rendus par les meilleurs juristes du pays, le Gouvernement flamand n’en a cure et a néanmoins fait voter ses textes au Parlement flamand en juillet 2023…

Une juridiction en déséquilibre

Si chacune de ces initiatives est critiquable individuellement sur le plan des principes, c’est aussi la tendance qu’elles dessinent une fois cumulées qui nous inquiète profondément. Elles affaiblissent progressivement l’institution fédérale aux fins de préparer en souterrain une défédéralisation de la justice portée par certains partis flamands et ne sont par ailleurs pas sans conséquences pour les droits des justiciables.

Jusqu’à aujourd’hui, le Conseil d’État est composé paritairement de magistrats francophones et néerlandophones. Or, au fil du temps, toute une partie du contentieux flamand a été redirigée vers les juridictions administratives flamandes, tandis que l’aile francophone continue de tourner à plein régime. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans les dossiers en attente de traitement, on trouve 230 dossiers bruxellois, 880 dossiers wallons et seulement 500 dossiers flamands. Et dans les plus de 5.000 affaires pendantes, pas moins de deux tiers sont des affaires en français.

Ce déséquilibre dans la charge de travail a un impact inévitable sur les délais de traitement, plus longs pour les justiciables francophones. Dans son rapport 2023 sur l’État de droit en Belgique, la Commission européenne souligne elle-même la charge de travail plus lourde incombant aux magistrats francophones du Conseil d’État et évoque la nécessité de recrutements supplémentaires pour y remédier. Il faut pourtant s’attendre à ce que toute velléité d’adapter le cadre aux besoins réels de l’institution soit strictement “onbespreekbaar” pour des partis qui oeuvrent justement à détricoter peu à peu la gestion fédérale de cette matière, jusqu’à pouvoir en revendiquer en bout de course la défédéralisation totale. Cette technique du pied dans la porte n’est pas propre à la justice ; le procédé n’est que trop bien connu et a été à l’origine de transferts de compétences opérés lors de précédentes réformes de l’État.

Faut-il en conclure que les justiciables flamands sont mieux servis par la situation actuelle ? Rien n’est moins sûr. La procédure devant les nouvelles juridictions administratives flamandes est plus expéditive et ne comporte, par exemple, pas de double examen effectué par deux magistrats différents, pourtant un gage de la qualité des décisions prises.

Agir pour protéger l’État fédéral et garantir l’égalité entre les justiciables

En tant qu’écologistes, nous ne pouvons assister sans réagir à l’effritement insidieux des fondements du Conseil d’État. Nous voulons préserver une justice fédérale forte, efficace et garante de l’égalité de traitement pour tous les justiciables du pays. Il est temps de siffler la fin de cette utilisation abusive des compétences implicites. La Cour constitutionnelle, gardienne de la répartition des compétences, doit être rapidement saisie de la question afin de déterminer si ces décrets flamands sont, ou pas, conformes aux principes qui organisent la Belgique fédérale.

Claire Hugon, députée fédérale Ecolo à la Chambre
Stéphane Hazée, chef de groupe Ecolo au Parlement de Wallonie
Célia Nennen, conseillère politique démocratie au Centre Jacky Morael
John Pitseys, chef de groupe Ecolo au Parlement régional bruxellois
Matteo Segers, chef de groupe Ecolo au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

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