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Véhicules électriques : bonne ou mauvaise idée ?

Publié le 12 janvier 2022
Rédigé par 
Ecolo

D’un point de vue climatique, les véhicules électriques sont, sur un cycle de vie complet, meilleurs que les véhicules thermiques. C’est dorénavant un fait avéré : les externalités supplémentaires liées à la création de la batterie sont compensées rapidement par l’absence d’émission de CO2 et de polluants lorsque le véhicules est en circulation. Plusieurs associations et organisations internationales estiment que l’électrification directe des véhicules légers et lourds (jusque 19t) est la piste la plus sûre permettant d’atteindre une décarbonation totale des transports à l’horizon 2050. L’hydrogène ne devrait être envisagé que pour le transport (très) lourd.

Malheureusement, s’arrêter là dans la réflexion serait très dommageable d’un point de vue soci(ét)al et environnemental.

Disons les choses clairement : viser un parc de 100 % de véhicules électriques le plus rapidement possible constitue un axe majeur d’une politique visant le zéro carbone dans le secteur des transports à l’horizon 2050. Ca ne fait plus aucun doute.

Pour autant, ce scénario connaît des limites qu’il faudra dépasser.

La première est la plus importante : si les VE sont nécessaires à une décarbonation totale du secteur des transports, ils ne seront pas suffisants. Les transports, depuis les années 70, sont entièrement basés sur la toute-puissance de la voiture et du transport individuel. Nous évoluons dans un véritable « système-voiture » au sein duquel l’essentiel des ressources infrastructurelles y est investit. Ce système consomme 70 % des espaces publics des villes et villages, a modifié leur structure en excluant les autres usagers, a modifié les façons de se loger, de travailler, de se divertir et d’occuper les espaces. Congestion, accidents et pollution de l’air sont corollaires. Les constats sont évidents.

Pour beaucoup, il n’est pour autant pas question de modifier en profondeur ce système inefficace tant que « des alternatives viables à la voiture ne seront pas développées ». A quel moment ces alternatives seront suffisamment développées pour pouvoir revoir le modèle ? Personne ne le sait. Dans ce contexte, les VE ne sont qu’une solution partielle à ces enjeux majeurs : ils règlent en partie la question de la pollution de l’air liée aux transports. Ils améliorent nettement le bilan CO2 global du secteur. Mais ils ne font que prolonger le modèle actuel, consommateur d’espace, de ressources, d’énergie et de temps.

La mobilité est un système qui doit être traité comme tel : la seule voie efficace à l’horizon 2050 est l’action combinée sur l’offre et la demande de mobilité. Celle qui associe maîtrise de la demande de mobilité, shift modal majeur et améliorations technologiques. En priorité, l’accessibilité aux services doit être repensée avec un prisme plus large que celui qui a dominé ces 50 dernières années, de l’accès d’un lieu de logement à un lieu de travail par une route. Les modes de déplacements doivent être priorisés et soutenus en fonction de leur impact sociétal réel, la voiture individuelle étant une des solutions à disposition, remise à sa juste place. Le partage de véhicules, le recours aux modes actifs et aux transports en commun doit être la règle, la voiture individuelle l’exception. Tous les véhicules restants sur les routes doivent être zéro émission.

Ce prérequis posé, la seconde limite au modèle de l’électrification totale de la flotte est le rythme de cette révolution technologique : les VE doivent être adoptés rapidement et massivement pour avoir un effet significatif et rapide sur les politiques climatiques. La version la plus ambitieuse de la stratégie de mobilité durable de la Commission européenne implique de mettre 30 millions de véhicules zéro émission sur les routes d’ici 2030. C’est peu, comparativement aux 236 millions de voitures en circulation en Europe et aux objectifs européens : en 2050, 90 à 100 % de la flotte doit être zéro émission. En parallèle, le privé et le public doivent pouvoir convaincre de leur capacité à fournir un réseau de recharge cohérent et suffisant, tout en maîtrisant son impact sur les finances publiques. Les leviers d’actions publics sont d’une importance majeure : selon la Commission européenne, à politique constante, l’objectif 2050 ne sera atteint qu’à 54 %.

La troisième est une limite industrielle et géopolitique, qui questionne la capacité à fournir suffisamment de véhicules. L’industrie doit faire face à deux écueils importants : premièrement, la réorganisation de ses chaînes de production pour s’adapter à un nouvel environnement. L’organisation habituelle des constructeurs ne convenant pas complètement à cette nouvelle donne, l’organisation du travail et la supply chain doivent être revus. A première vue, les différents acteurs de la filière semblent faire preuve d’agilité et s’adapter assez vite aux nouveaux enjeux, mais les défis sont énormes et les impacts sur l’emploi du secteur restent flous.

Ensuite, le boom de production des VE qui a suivi la crise du Covid a rapidement montré les limites matérielles d’un modèle insuffisamment anticipé : à l’été 2021, les pénuries de semi-conducteurs, de lithium ont occasionné des sueurs froides aux constructeurs. En automne, le spectre d’une pénurie d’aluminium, de magnesium et de ralentissement du rythme de production des sous-traitants (notamment de Tesla) ont surgi sur fond de coupures de courant en Chine. A moyen terme, des chercheurs annoncent des pénuries de nickel et de cobalt en 2024 et 2028. Les rythmes d’extraction vont augmenter autant que possible, accentuant encore la pression sur les ouvriers dépendants des mines et les écosystèmes qu’elles occupent.

A la résolution de ces trois limites, nous devons d’emblée proposer un modèle de sobriété : l’UE doit se donner des objectifs ambitieux en terme de réduction de la consommation de ressources. En particulier, des plans et objectifs clairs sont nécessaires en vue de réduire l’empreinte matérielle des Européens (Material Footprint ou Raw Material consumption) et développer une économie qui soit réellement circulaire. Qu’il s’agisse d’industrie automobile, numérique ou autre.

Quoiqu’il en soit, le scénario de l’électrification de la flotte automobile « résiduelle » reste une sorte de passage obligé. Pour y parvenir, il restera des conditions de réussites à rencontrer absolument pour parvenir aux objectifs climatiques et environnementaux qui sont les nôtres.

La première condition de réussite est celle liée aux enjeux environnementaux majeurs qui découlent de la production massive de VE. Alors que le marché des VE est appelé à une forte croissance d’ici 2030, on sait que les externalités liées à l’étape de fabrication sont encore nombreux. Les impacts de la filière doivent être réduits au plus vite, passant par l’amélioration des process de l’industrie minière, une amélioration de la conception des batteries (batteries solides, ecoconception, performances et durée de vie), leur recyclage et leur utilisation en seconde vie.

La seconde est l’optimisation de l’utilisation des véhicules et de leur batterie via une recharge intelligente et, à terme, le vehicle-to-grid. A ce stade, les scénarios d’électrification totale de la flotte se heurtent aux capacités physiques des réseaux. Cette anticipation est nécessaire pour que les VE ne constituent pas seulement une charge pour le réseau électrique, mais constituent bien un des éléments favorisant une transition énergétique plus rapide.

La troisième est liée aux véhicules eux-mêmes : le retour à des véhicules sobres, dont la masse et la puissance correspondent aux besoins, doit être une priorité de façon à optimiser l’utilisation de matières premières et les besoins énergétiques nécessaires à leur propulsion. Les prochaines années seront en effet caractérisées par un contexte de matières premières de plus en plus rares, dont les coûts resteront instables sur des marchés volatiles et géopolitiquement sensibles. Parallèlement les énergies renouvelables devront alimenter l’ensemble des les besoins énergétiques : industrie, transport, logement,… Leur utilisation doit dès lors être répartie de la manière la plus efficiente possible dans un contexte de concurrence forte entre les différents secteurs de la société.

Enfin, la quatrième conditions de réussite est d’ordre social : la transformation de la flotte de voitures est l’archétype de la tension entre justice sociale et justice climatique. Au travers du coût d’achat ou de l’absence de dispositif de recharge, le coût d’accès aux VE est aujourd’hui encore plus discriminant socialement que ne l’est celui des voitures à combustion. L’enjeu sera dès lors de s’assurer de l’accessibilité du plus grand nombre aux différentes offres de transport existantes. L’action des pouvoirs publics est ici déterminante, au travers de leviers tels que la mutualisation des véhicules, l’équipement collectif des zones rurales et périurbaines, la disponibilité de modèles de véhicules légers via des normes de poids/puissance et incitants fiscaux, etc.

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