12. Un emploi et des revenus décents pour chacune et chacun
L’emploi est au cœur de notre projet de transition socialement juste, émancipatrice et solidaire. Le travail a un rôle essentiel tant pour les personnes que pour la société. Un emploi, c’est un gage de revenus, d’épanouissement, d’apprentissage… Encore faut-il que cet emploi soit de qualité !
Avec Ecolo, nous voulons assurer à chacune et chacun un emploi de qualité, c’est-à-dire avec un salaire qui permette de vivre dignement, de bonnes conditions de travail qui n’altèrent pas la santé, mais aussi la possibilité de combiner sa vie professionnelle avec une vie sociale et familiale et de se constituer des droits sociaux. Nous voulons créer des emplois qui ont du sens et permettent de se projeter dans l’avenir. Pour ce faire, nous voulons mobiliser une concertation sociale renforcée. Plutôt que de mettre en oeuvre des sanctions, nous voulons mieux accompagner les demandeuses et demandeurs d’emploi, les malades de longue durée et renforcer la formation tout au long de la vie.
12.1. Augmenter le salaire minimum et les bas et moyens salaires pour atteindre un salaire décent en instaurant un crédit d’impôt solidaire.
Trop de travailleuses et travailleurs peinent à boucler les fins de mois et à se projeter, ainsi que leurs proches, sereinement dans l’avenir.
Nous voulons continuer à augmenter le salaire minimum. Nous lierons son évolution à l’évolution du coût de la vie. Conformément à la directive européenne, le salaire minimum doit être établi selon une procédure claire, et fixé à 60 %du salaire médian.
Cette mesure doit être complétée par un crédit d’impôt ciblé afin de bien garantir une augmentation de revenus nets pour les bas et moyens salaires.
Concrètement, nous proposons un bonus fiscal à l’emploi, via un crédit d’impôt dégressif. Ce crédit d’impôt solidaire permettrait d’augmenter le revenu net mensuel jusqu’à 350 euros pour les personnes proches du salaire minimum.
12.2. Corriger la loi de 1996 sur la « compétitivité » pour redonner des marges de négociation salariale, rétablir le caractère indicatif de la « norme salariale », et prendre en compte des facteurs de compétitivité autres que le salaire (les coûts énergétiques, la Recherche & Développement (R&D), les investissements dans la transition, la formation des travailleurs et travailleuses, etc.).
La loi de ‘96 sur la compétitivité des entreprises prévoit que la marge de négociation des salaires soit fixée tous les deux ans dans le cadre de l’accord interprofessionnel. Depuis 2017, cette marge est une norme impérative, empêchant dans les faits de négocier toute augmentation de salaire.
Fin 2022, le Comité pour la liberté d’association de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a conclu que la possibilité pour les partenaires sociaux de négocier les salaires de manière autonome est fortement limitée en Belgique à cause de cette loi, ce qui est incompatible avec les conventions de l’OIT.
Nous voulons corriger plusieurs éléments de la loi.
Le premier élément est le calcul même de cette marge. Il doit être amélioré, notamment en intégrant les subventions salariales. Il doit également tenir compte d’autres facteurs de compétitivité que le salaire. En effet, le coût de l’énergie, les investissements dans la recherche et la formation, ainsi que dans les infrastructures pour les rendre plus durables comptent également pour soutenir la compétitivité.
Nous voulons également rendre la marge indicative et non impérative. En l’état, cette marge a pour conséquence que, même dans les secteurs qui sont bénéficiaires, il n’est pas possible de négocier une augmentation du salaire brut.
Enfin, il est important de rappeler que, pour Ecolo, il faut réfléchir à la solidarité entre secteurs par la redistribution des gains de productivité entre les secteurs largement bénéficiaires et les secteurs où les gains de productivité sont faibles, afin d’augmenter partout les bas et moyens salaires.
12.3. Garantir et améliorer le système d’indexation automatique des salaires, notamment en le généralisant à l’ensemble des travailleuses et travailleurs et en harmonisant son timing.
L’indexation automatique des salaires protège les travailleurs et travailleuses contre l’augmentation avec l’objectif de préserver leur niveau de vie. Les allocations et les salaires sont ainsi liés à un indice des prix à la consommation (l’indice-santé). Quand il augmente, les salaires et allocations augmentent.
Dans le secteur privé, le système d’indexation automatique des salaires est organisé par la concertation sociale via des conventions collectives de travail.
Tou·tes les salarié·es ne sont pas couvert·es par un mécanisme d’indexation automatique des salaires. Cela doit changer : l’ensemble des travailleurs et travailleuses doit bénéficier de ce mécanisme protecteur.
De plus, les différents mécanismes d’indexation n’interviennent pas au même moment, ce qui en période de forte inflation peut fragiliser les travailleurs et travailleuses. Nous voulons harmoniser le système en prévoyant une indexation à date fixe, 4x/an.
Il est également nécessaire de faire évoluer l’indice des prix et le « panier du ménage » pour rendre cet indice plus « durable ».
En veillant à préserver l’indexation automatique de l’ensemble de la masse salariale, et vu que l’indexation sera plus importante sur les hauts salaires, nous voulons renforcer la solidarité entre les bas et hauts salaires. Cette redistribution se fait idéalement par la fiscalité progressive qui fera contribuer davantage les très hauts revenus.
12.4. Définir la réduction collective du temps de travail avec embauche compensatoire et maintien du salaire pour les bas et moyens revenus comme horizon qu’il s’agit de mettre prioritairement en œuvre dans les secteurs à forte pénibilité et/ou à forte flexibilité, comme dans le secteur des titres-services.
Notre horizon est la mise en œuvre progressive d’une réduction collective du temps de travail, dans le cadre de la concertation sociale sectorielle, avec la perspective de tendre vers une norme de 32 heures par semaine avec maintien du salaire net pour les bas et moyens salaires et embauche compensatoire. Cette norme pourra se décliner selon des modalités à négocier collectivement, par entreprise ou par secteur (par exemple 5 jours les mois de rush ; 3 jours les mois plus calmes ; ou encore 5 jours toute l’année, mais augmentation du nombre de jours de congé, etc).
La réduction collective du temps de travail, telle que nous la proposons, est un outil important puisqu’elle crée de l’emploi, améliore la qualité de l’emploi et diminue les dépenses de maladie longue durée. Nous proposons de compenser le surcoût pour l’employeur ou l’employeuse par une diminution des cotisations sociales, elle-même compensée pour l’État par l’économie réalisée sur les allocations de chômage et les maladies de longue durée liées au travail.
La réduction collective du temps de travail est un horizon qu’il faut prioritairement concrétiser dans les secteurs où le travail est soumis à une forte pénibilité et/ou à une forte flexibilité, comme dans les titres-services et les secteurs liés aux soins (en cohérence avec la stratégie de lutte contre les pénuries).
12.5. Pérenniser et développer de manière structurelle les « Territoires Zéro Chômage de Longue Durée » avec pour objectif d’en créer au moins 5 supplémentaires par année.
Nous voulons offrir une garantie d’emploi pour toutes et tous. Cet emploi doit être de qualité. Il doit permettre de vivre dignement et de répondre à des besoins sociaux et environnementaux non couverts sur un territoire.
Nous voulons pour ce faire déployer le dispositif « Territoire Zéro Chômage de Longue Durée » (TZCLD). Il s’agit d’un projet qui rassemble institutions publiques, entreprises, associations et citoyen·nes sur un territoire donné, afin d’offrir un emploi à tout demandeur ou demandeuse d’emploi qui le souhaite, sur base de ses compétences et envies, en croisant avec les besoins non rencontrés sur ce territoire.
De manière générale, nous souhaitons explorer toute initiative permettant de lutter contre le chômage de longue durée en articulant au mieux les compétences et attentes du demandeur ou de la demandeuse d’emploi et les besoins sociaux et environnementaux de la société. Ces initiatives ainsi que l’offre de formation doivent bénéficier d’une réorientation de moyens dévolus au contrôle des chômeurs et chômeuses, à cet effet, nous souhaitons créer un fonds public et fédéral qui permette le développement et la pérennisation des expériences initiées.
12.6. Garantir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, notamment en se dotant de mesures de rapportage internes aux entreprises, et en imposant un plan d’action dans les entreprises où l’écart salarial entre hommes et femmes est de plus de 5 %.
Malgré la loi « écart salarial », en Belgique, les femmes gagnent encore en moyenne 21 %de moins que leurs homologues masculins. Ces inégalités des rémunérations exposent davantage les femmes à la pauvreté et contribuent à l’écart de retraite entre les femmes et les hommes.
Comme l’incite la directive européenne « transparence des rémunérations », il est essentiel de doter la loi « écart salarial » de mesures de rapportage internes aux entreprises plus efficaces et plus transparentes. Nous voulons aussi rendre obligatoire l’élaboration de plans d’action dans les entreprises où le bilan social et le rapport bisannuel de rémunération montrent un écart salarial de plus de 5 %entre hommes et femmes ou bien où la structure salariale n’est pas neutre du point de vue du genre.
Pour renforcer l’égalité salariale, il est également indispensable de créer des emplois de qualité et revaloriser des métiers essentiels (en lien avec le soin), professions dans lesquelles les femmes sont sur-représentées. Cette revalorisation doit passer par une révision des barèmes dans les grilles de classification des fonctions et par une amélioration des conditions de travail. Ensuite, il faut également lutter contre la flexibilité subie (temps partiels involontaires), et la précarisation de l’emploi.
Il est aussi indispensable de renforcer l’accès des femmes à la formation, notamment en prenant en compte les travailleuses à temps partiel mais également les frais occasionnés (garde d’enfants, transport…). Nous voulons amplifier le combat contre les stéréotypes de genre et sexistes qui influencent l’orientation vers certaines filières. Nous voulons instaurer un incitant financier à la formation réservé aux femmes et aux hommes qui choisiraient un secteur où elles ou ils sont minoritaires.
12.7. Garantir la santé et le bien-être au travail afin de lutter contre les incapacités de longue durée, en accentuant les politiques de prévention et de contrôle, notamment en renforçant les moyens qui y sont consacrés (services externes, professionnel·les, inspection…) et en systématisant les dispositifs de mesure du risque.
Près d’un demi-million de personnes sont en arrêt de travail pour cause de maladie, et ce chiffre est en constante augmentation. Les indemnités de maladie représentent 9 milliards d’euros par an dans le budget de la sécurité sociale. Actuellement, en Belgique, près d’une personne, qui travaille, sur deux est sujet à un épuisement.
Il s’agit là d’un enjeu fondamental auquel il faut s’atteler à deux niveaux : agir sur les causes afin d’éviter que les travailleurs et travailleuses ne tombent malades pour une longue durée et renforcer l’accompagnement aux malades pour leur permettre de réintégrer progressivement le monde du travail.
Sur le plan de la prévention, il faut garantir la santé et le bien-être au travail.
C’est d’abord par la promotion d’emplois de qualité, par l’amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, et par une meilleure adaptation des fins de carrière que l’on pourra renforcer le plus directement le bien-être au travail, et réduire le nombre d’arrêts de travail pour maladie. Par ailleurs, nous voulons renforcer les moyens consacrés à la prévention et au contrôle (inspection).
Chaque travailleur et travailleuse doit pouvoir disposer d’un dossier « santé au travail » reprenant les risques professionnels.
Enfin, il faut assurer la mise en œuvre des plans sur le Bien-être mental au travail (BEMAT) portant sur la prévention et la gestion du stress et des conflits dans les milieux professionnels, facteurs qui ont un impact sur le bien-être et la prévention de l’incapacité de travail.
Il est également important d’organiser et d’accompagner la réintégration des malades de longue durée. Outre l’évaluation des législations existantes, il faut renforcer les effectifs et la coordination des médecins du travail, médecins conseils, et coordinatrices et coordinateurs return-to-work.
Les malades de longues durée doivent également avoir la possibilité d’entamer une formation pour se reconvertir avec l’appui des services publics compétents. Cette mesure concerne l’ensemble des entreprises et institutions, en ce compris les services publics et les administrations.
Enfin, il faut revoir à la hausse le montant en cas de cumul d’allocations d’incapacité de travail avec le salaire lors d’une reprise partielle de travail.
12.8. Mieux lutter contre les burn-out en renforçant les moyens de la prévention et du contrôle.
La majorité des burn-out trouve leur source dans les conditions de travail (stress chronique, surcharge de tâches, manque d’autonomie et de reconnaissance, management toxique, etc.). En Belgique, en 2022, 28,5 %des travailleuses et travailleurs et belges étaient exposés au burn-out.
Nous voulons mettre avant tout l’accent sur la prévention qui relève d’abord de la responsabilité de l’employeur ou de l’employeuse. Il est également nécessaire d’agir sur la qualité de l’emploi (salaire, type de contrat, conditions de travail…), l’amélioration et l’accessibilité des dispositifs de conciliation vie professionnelle-vie privée, les adaptations pour les fins de carrière.
Plus concrètement, nous voulons renforcer les moyens consacrés à la prévention et au contrôle dans les entreprises et les services externes. La législation sur le bien-être doit être respectée. Chaque travailleur et travailleuse doit pouvoir accéder à des procédures s’il ou elle estime subir un dommage psychique. Il s’agit également de renforcer les leviers pour une plus grande participation des travailleurs et travailleuses à l’organisation du travail. La prévention des risques doit être collective, et non pas exclusivement individuelle.
Enfin, nous souhaitons donner un rôle plus actif à la concertation sociale et notamment au Comité pour la prévention et la protection au travail et du Conseil d’entreprise (CPPT) dans le cadre de la prévention. L’organisation du travail doit également rentrer dans ce cadre. Cette mesure concerne l’ensemble des entreprises et institutions, en ce compris les services publics et les administrations.
La santé et la prévention des risques doivent aussi être assurées dans les plus petites structures. Ainsi, nous soutenons la présence obligatoire d’une personne de confiance dans toute structure.
12.9. Instaurer la possibilité de prendre une pause carrière (12 mois au total) rémunérée à 1500 € nets/mois.
Nous voulons instaurer la possibilité pour chaque travailleur et travailleuse de prendre une pause carrière qui serait l’équivalent d’une « année sabbatique » sur l’ensemble de sa carrière en gardant une rémunération décente de 1500 € net par mois.
II est possible de répartir cette pause sur des périodes de trois mois minimum et pour un total de douze mois sur l’ensemble de la carrière.
Ce droit de « faire pause » est accessible après au moins cinq années de travail. Elle est compatible avec le lancement d’une activité d’indépendant·e.
12.10. Revaloriser les métiers du soin (personnel soignant, aides ménagères, infirmier·es, aides familiales, puériculteurs et puéricultrices, travailleurs et travailleuses de l’aide à la jeunesse, travailleuses et travailleurs sociaux, etc.) et de manière plus générale le secteur non marchand, notamment en agissant sur les barèmes dans les grilles de classification des salaires.
Les métiers du soin désignent les métiers de soin aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades et/ou en manque d’autonomie, l’aide à la jeunesse, ainsi que les métiers d’entretien. Ces métiers sont majoritairement occupés par des femmes. Les autres métiers liés au secteur non marchand désignent, eux, les travailleuses et travailleurs sociaux : éducateur et éducatrice, assistant·e social·e, psychologue, logopède, etc. liés aux secteurs de l’enfance, le handicap, la migration, la santé mentale, la famille, la jeunesse, etc.
Nous plaidons pour un refinancement structurel de ces fonctions collectives qui garantissent du bien-être à l’ensemble de la société. Il faut relancer des accords du non-marchand pour revaloriser les métiers du soin et les métiers sociaux, notamment en agissant sur les barèmes dans les grilles de classification des salaires. L’objectif est de permettre aux travailleuses et travailleurs sociaux de vivre dignement et de renforcer l’attractivité de ces métiers. Il faut également améliorer les conditions de travail et reconnaître la « pénibilité » du secteur non-marchand, notamment l’aide à la jeunesse.
Enfin, nous voulons également mieux reconnaître le travail du « prendre soin » non rémunéré, notamment quand il s’agit de s’occuper d’un·e proche fragilisé·e. Ecolo veut soutenir davantage les aidant·es-proches, tout en rappelant qu’elles et ils ne doivent pas être une variable d’ajustement pour combler les manques de financement des structures d’aide.
12.11. Réformer en profondeur le dispositif des titres-services en diminuant la norme de temps de travail à 32h/semaine, en augmentant les barèmes salariaux, et en conditionnant les subsides versés aux entreprises à des critères de qualité de l’emploi (prévention en matière de bien-être, accompagnement, possibilités de formation).
Nous voulons réformer en profondeur le dispositif des titres-services pour améliorer les conditions de travail, assurer plus de justice fiscale et un meilleur ciblage des activités autorisées. Plus concrètement, nous voulons :
- Augmenter les salaires, à tout le moins à la hauteur de ce qui est pratiqué dans les barèmes du secteur ;
- Rehausser le remboursement des frais de déplacement pour les déplacements dans le cadre du travail et les trajets domicile-travail ;
- Diminuer le temps de travail via une norme de travail à temps plein qui tende vers les 32h/semaine ;
- Fixer le nombre d’heures minimal du contrat à 20h/semaine ;
- Conditionner les subventions aux entreprises en lien avec des critères (et des contrôles) de politiques de prévention et de bien-être, d’accompagnement des travailleurs et travailleuses (encadrement réel), de formation, de délai de communication des horaires, de dispositions pour les travailleurs et travailleuses âgées (telles que tutorat) ;
- Renforcer le cadre et le contrôle du bien-être au travail (surveillance médicale, visite préalable, etc.) ;
- Assurer le contrôle du respect des normes en droit du travail ;
- Renforcer la concertation entre les régions et entre les régions et le fédéral.
12.12. Garantir aux travailleuses et travailleurs de plateforme un statut qui leur assure une protection sociale et un salaire minimum décent.
Les travailleurs et travailleuses des plateformes (telles que Uber) doivent bénéficier d’un statut qui leur assure un accès à la sécurité sociale, et un revenu au moins équivalent au salaire minimum légal et, si elles ou ils travaillent dans un lien d’autorité, à l’application du droit du travail.
Pour cela, nous voulons réviser les critères de la relation de travail, et adapter les mécanismes de présomption existants. L’objectif de cette révision est de pouvoir démontrer plus clairement que malgré une forme d’« autonomie » , la travailleuse ou le travailleur est bien dans un lien de subordination à l’égard d’une entreprise et doit donc être considéré comme un·e salarié·e, avec tous les droits qui vont avec.
Enfin, dans le cadre de la transposition de la directive sur les plateformes, il sera essentiel d’intégrer la détermination de la responsabilité respective des intermédiaires et de l’utilisateur ou utilisatrice en vue d’assurer le respect effectif des droits des travailleuses et travailleurs de plateformes. Ces derniers et dernières doivent recevoir toutes les informations relatives à la santé et la sécurité lors de leurs prestations auprès d’un utilisateur ou d’une utilisatrice ainsi que les conséquences en l’absence du respect ces obligations.
12.13. Renforcer la qualité de l’emploi, notamment en encadrant mieux l’emploi dit «atypique ».
Le travail atypique recouvre des situations de travail telles que le temps partiel contraint, les flexi-jobs, le travail occasionnel, le travail via plateforme, le travail de nuit, etc. Souvent, ces formes de travail entament la qualité de vie, voire précarisent les travailleurs et travailleuses, et ne permettent pas une effectivité des droits sociaux.
Le travail atypique doit être encadré, notamment via :
- La limitation du recours aux flexi-jobs et l’amélioration du statut des personnes travaillant en flexi-jobs ainsi que des conditions d’organisation du travail (prévisibilité des horaires, montant de la rémunération…) ;
- La limitation du travail de nuit aux secteurs où cela est nécessaire ;
- L’encadrement serré du recours à la sous-traitance et l’intérim ;
- L’application stricte de la CCT35 (il s’agit de permettre aux travailleuses et travailleurs à temps partiel d’augmenter prioritairement leur temps de travail) ;
- Le CDI doit rester la norme ;
- La responsabilisation de l’employeur ou de l’employeuse en cas d’utilisation intense de l’emploi atypique.
Nous voulons garantir une lutte efficace contre les constructions criminelles qui organisent la fraude sociale : en exploitant le besoin d’augmentation des revenus des travailleurs et travailleuses, elles tirent les conditions de travail vers le bas, et nuisent à l’adhésion au système de protection sociale. Il faut renforcer les services d’inspection et l’efficacité des contrôles.
12.14. Ouvrir des droits sociaux pour les étudiants-travailleurs et étudiantes-travailleuses, et lutter contre la précarité étudiante.
Beaucoup d’étudiant·es exercent des jobs, et pas seulement pendant les vacances. Il est important que ces heures travaillées puissent leur donner accès à des droits sociaux. Pour cela, nous voulons augmenter la cotisation de solidarité afin que les heures prestées puissent être considérées comme des heures effectives en vue de la constitution des droits au chômage et à la pension. Cette mesure permettra également de lutter contre des formes de dumping social dans certains secteurs (commerce, horeca, logistique…).
Par ailleurs, nous défendons un enseignement supérieur dont les coûts pour l’étudiant·e sont limités pour répondre à l’urgence sociale vécue par les étudiant·es.
12.15. Renforcer les possibilités de mieux combiner vie privée et vie professionnelle, en donnant aux parents qui le souhaitent plus de temps pour s’occuper de leurs enfants, via un renforcement de l’accès aux dispositifs de congés thématiques et de crédit-temps et le développement des services collectifs (crèches, accueil durant le temps libre, etc.).
Nous voulons harmoniser et renforcer les dispositifs d’interruption de carrières existants, en veillant à ce que cette réforme renforce l’accès à ces congés pour les parents les plus vulnérables.
Nous voulons donner plus de temps aux parents au travail qui le souhaitent pour s’occuper de leurs enfants. Pour cela, nous voulons inscrire dans la loi le droit à un congé parental de minimum 4 mois rémunérés pour tous les parents, quel que soit leur statut professionnel. Il faut progressivement augmenter la rémunération du premier mois de ces congés et en priorité pour les parents solo. Ces derniers doivent également avoir la possibilité de doubler le congé parental.
La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale repose aussi sur l’accès à des services collectifs de qualité tels que l’accueil de la petite enfance, l’offre extrascolaire, les services de mobilité. Nous voulons en renforcer l’offre, la qualité et l’accessibilité.
En complément des interruptions de carrière (congés thématiques et crédits-temps), nous voulons étendre progressivement le congé de paternité/coparentalité à 15 semaines et rendre le congé de naissance du co-parent actuel (20 jours) obligatoire. Nous étendrons aussi les possibilités de congé rémunéré pour enfant malade à 10 jours/an, dont 3 jours sans justification médicale.
12.16. Créer un « droit à la démission » en permettant de bénéficier d’allocations de chômage (pour les salarié·es) ou d’un droit passerelle (pour les indépendant·es).
Afin de favoriser la mobilité professionnelle et la liberté réelle des travailleurs et travailleuses, nous voulons instaurer un « droit à la démission » pour les salarié·es et les indépendant·es. Pour ces derniers et dernières, il s’agira d’adapter le droit passerelle. Pour les salarié·es, il s’agira de leur permettre de démissionner et de percevoir des allocations de chômage.
Ce système doit être mis en place en collaboration avec les structures publiques d’accompagnement (Actiris, Forem et VDAB) afin que les employé·es et indépendant·es concerné·es puissent être accompagné·es au mieux dans la suite de leur parcours professionnel.
12.17. Assurer à terme un revenu de base pour les jeunes de 18-26 ans en créant un sixième pilier dans la sécurité sociale ; et, à court terme, rétablir les allocations d’insertion pour permettre aux jeunes de mener une vie plus digne.
Nous proposons l’instauration à terme d’un revenu de base pour les jeunes de 18-26 ans.
Le revenu de base est accordé de manière inconditionnelle et constitue donc un droit personnel inaliénable, quels que soient les choix de vie privée. Il vise à garantir aux jeunes non seulement le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine, mais également le libre choix de leurs études et leurs orientations professionnelles.
Le montant du revenu de base est fixé à 580 € indexé. Il vient remplacer les allocations familiales (pour les plus de 18 ans, mais pas les suppléments existants) et le crédit d’impôt pour enfant à charge.
À court terme, nous voulons rétablir les allocations d’insertion des demandeurs et demandeuses d’emploi qui n’ont pas encore pu ouvrir de droit aux allocations de chômage. Il s’agit d’un montant forfaitaire et variable en fonction de l’âge et de la situation familiale que le jeune demandeur ou de la jeune demandeuse d’emploi reçoit à la fin de son stage d’insertion professionnelle.
Un grand nombre de jeunes sont exclu·es de ces allocations. Nous voulons supprimer la limitation dans le temps des allocations d’insertion et la condition de réussite des études et réintroduire l’ancienne limite d’âge (30 ans au lieu de 25 actuellement).
12.18. Contrer les difficultés de recrutement et les pénuries, notamment en renforçant l’offre de formations, en mettant l’accent sur l’amélioration des conditions de travail dans certains métiers, et en facilitant l’accès aux ressortissant·es en séjour précaire et aux sans-papiers.
Pour faire face à la pénurie dans certains secteurs et aux difficultés de recrutement, nous plaidons pour une approche qui soutient à la fois la formation des demandeuses et demandeurs d’emploi (et des travailleurs et travailleuses qui souhaitent se reconvertir) et qui responsabilise également les employeuses et employeurs pour améliorer les conditions de travail et les critères de l’offre d’emploi. Chaque demandeur ou demandeuse d’emploi doit rapidement être accompagné·e afin de se placer sur une trajectoire de formation et/ou de réinsertion.
Un métier en pénurie doit être un signal d’alerte qui doit amener à une analyse sectorielle des conditions de travail (type de contrat, horaires, pénibilité, capacité de conciliation avec la vie privée, aménagement des fins de carrière, sens du travail, possibilités de formation et d’évolution, accueil sur le lieu de travail …) et, nécessairement, à une amélioration de celles-ci. Il faut travailler sur tous les paramètres de l’accès à l’emploi et notamment sur les éventuels « pièges à l’emploi », afin que chacun·e puisse se réaliser aussi par un travail valorisant et valorisé. Outre l’amélioration des conditions de travail, il faut notamment augmenter le salaire minimum et diminuer la fiscalité sur les bas et moyens revenus.
Pour ce qui concerne tant les métiers en pénurie que les fonctions critiques ou les métiers « porteurs » (en lien avec la transition écologique), nous proposons d’harmoniser et de renforcer le statut du demandeur ou de la demandeuse d’emploi en formation par :
- Une majoration des incitants financiers à la formation pour les personnes qui feraient le choix de formation dans ces métiers ;
- Une plus grande cohérence entre l’accompagnement et l’octroi des dispenses de disponibilité et un gel de la dégressivité des allocations de chômage.
Nous voulons également faciliter l’occupation des ressortissant·es non-belges en séjour précaire et faciliter l’accès à l’autorisation de travailler pour les personnes sans autorisation de séjour dans les métiers en pénurie. Cette mesure doit s’accompagner d’une amélioration nette du dispositif de reconnaissance et d’équivalence des diplômes étrangers.
Enfin, la poursuite d’une formation et/ou la recherche d’emploi et/ou l’accès à l’emploi doivent s’accompagner de services collectifs qualitatifs, quantitatifs et accessibles financièrement (transports en commun, crèches…) qui permettront de faire face véritablement aux difficultés de recrutement.
12.19. Établir des critères clairs et permanents pour la régularisation des personnes sans papiers, donner accès à la régularisation par le travail et délier le titre de séjour de l’employeur ou l’employeuse initiale.
Les personnes sans papiers ont des attaches durables avec la Belgique : elles vivent ici, participent à la société, scolarisent leurs enfants dans les mêmes écoles et, pour beaucoup d’entre elles, travaillent ici, mais sans bénéficier des droits sociaux et bien souvent dans de conditions de travail indignes.
La régularisation des personnes sans papiers doit se faire sur des critères clairs et permanents, et parmi ceux-ci le fait d’avoir un travail ou une promesse d’embauche doit être un critère décisif. Régulariser les travailleurs et travailleuses sans papiers, c’est aussi renforcer le financement de la sécurité sociale et lutter contre le dumping social.
Nous voulons faciliter la migration économique, tant pour les personnes se trouvant déjà en Belgique que pour les personnes se trouvant à l’étranger.
Les personnes étrangères doivent ainsi pouvoir introduire une demande de titre de séjour basé sur le travail (permis unique ou carte professionnelle si indépendant·e) depuis l’étranger ou depuis la Belgique, quelle que soit leur nationalité et leur statut administratif. Les Régions et l’État fédéral doivent s’entendre pour faciliter l’octroi de permis uniques pour les personnes étrangères, en particulier pour les métiers en pénurie et les fonctions critiques. Il faut aussi faciliter l’accès aux formations pour les personnes en séjour précaire.
De plus, nous voulons que les titres de séjour basés sur le travail donnent un accès large au marché du travail et non à un seul employeur ou une seule employeuse. A minima, en cas de perte d’emploi, un délai raisonnable doit être laissé à la personne étrangère pour retrouver un nouveau travail en Belgique et ainsi conserver son titre de séjour. Cela doit aussi être le cas pour les contrats de travail « discontinus » où la personne n’est pas engagée 12 mois, comme pour certain·es enseignant·es par exemple.
Dans l’attente de cette régularisation, nous voulons déployer plus de contrôles pour combattre les formes d’exploitation au travail et exiger l’application des directives européennes « Sanctions » et « Victimes », qui garantissent la protection des plaignant·es contre les employeuses et employeurs abuseurs.
12.20. Lutter résolument contre les discriminations à l’embauche, notamment en ayant recours aux tests de situation et en imposant des plans de diversité dans les grandes entreprises.
Toute personne doit pouvoir accéder au marché du travail.
La lutte résolue contre les discriminations doit être une priorité.
Il faut, entre autres :
- Instaurer une politique de prévention des discriminations au travail, soutenue par les différents acteurs et actrices qui œuvrent en matière de bien-être au travail ;
- Adapter les politiques en matière de lutte contre le harcèlement et de gestion de conflits internes aux milieux professionnels à celles inspirées par des motifs discriminatoires ;
- Recourir aux « tests de situation » qui peuvent être menés avec l’inspection sociale, et en utilisant le « data mining » (analyse de la composition du personnel d’une entreprise) ;
- Rendre l’arrêté royal qui régit les « actions positives » plus opérationnel, le faire connaître et accompagner les interlocutrices et interlocuteurs sociaux qui veulent s’en saisir ;
- Assurer la mise en œuvre des engagements pris par les différents niveaux de pouvoir dans le plan d’action national de lutte contre le racisme, dont la formation et la sensibilisation contre le racisme des actrices et acteurs institutionnels (par exemple, police, monde judiciaire, services publics) ;
- Favoriser les formations au sein des organes chargés du recrutement au sein des entreprises, et notamment des secrétariats sociaux pour travailler sur les représentations qui constituent autant de freins à l’engagement de candidat·es à un emploi pour des motifs discriminatoires ;
- Prévoir des sanctions adéquates et effectives pour les entreprises qui violent les lois anti-discrimination ;
- Rendre obligatoire les plans de diversité dans chaque entreprise de plus de 50 personnes, et stimuler leur création dans les autres entreprises, via un soutien du Forem et un soutien renouvelé d’Actiris ;
- Adapter la réglementation en vue d’assurer une protection adéquate en cas de harcèlement inspiré par un motif discriminatoire.
En outre, il faut accélérer l’intégration des demandeurs et demandeuses d’asile et de protection internationale dans la formation et dans l’emploi.
12.21. Viser l’accessibilité universelle dans l’emploi et le travail, en concrétisant un plan d’action pour l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap et en rendant les aménagements raisonnables obligatoires dans les entreprises qui bénéficient d’aides à l’emploi.
Quel que soit leur handicap, les personnes doivent être soutenues pour participer à la vie sociale, y compris pour ce qui concerne la formation ou l’emploi. Or, selon Statbel, seulement 23 %des personnes en situation de handicap disposent d’un emploi. Chaque Région doit élaborer et concrétiser un plan d’action pour renforcer l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Il faut :
- Favoriser la formation professionnelle « inclusive » aux côtés des personnes valides, lorsque ce n’est pas le cas ;
- Poursuivre le travail de sensibilisation auprès des employeurs et employeuses, notamment pour faire connaître les possibilités d’aménagements raisonnables des postes de travail et les aides disponibles ;
- Rendre les aménagements raisonnables obligatoires dans les entreprises et organisations qui bénéficient d’aides à l’emploi ;
- Permettre des aménagements en termes de temps de travail et d’organisation du travail ;
- Augmenter les quotas au sein des services publics et appliquer les sanctions en cas de non-respect.
Nous voulons également supprimer la dégressivité des aides lorsque la personne en situation de handicap perçoit un revenu du travail, car ces aides ont pour objectif de compenser les frais liés au handicap.
12.22. Renforcer de manière importante la formation tout au long de la vie, notamment en lien avec les métiers de la transition écologique.
Notre société est confrontée à une évolution rapide des savoirs, des techniques et des métiers. La formation tout au long de la vie s’impose comme une nécessité pour les travailleuses et travailleurs, les entreprises et la société tout entière afin de répondre aux défis actuels et futurs.
La formation tout au long de la vie est un continuum entre la formation initiale et l’ensemble des situations où s’acquièrent des compétences : actions de formation continue, activités professionnelles, implications associatives ou bénévoles. Elle inclut les démarches d’orientation, de bilan, d’accompagnement vers l’emploi, de formation en tant que telle et de validation des acquis de l’expérience.
L’accès à la formation doit être un droit effectif pour tou·tes. Nous voulons l’ancrer dans l’article 23 de la Constitution et concrétiser le droit individuel à 5 jours de formation par an. L’obligation d’un plan de formation doit valoir pour l’ensemble des entreprises.
Le compte individuel de formation (CIF) est un outil utile au service de l’accès à la formation pour toutes et tous. Il pourra se présenter comme une base de données qui centralise les droits à la formation, à l’accompagnement individuel, mais aussi à la reconnaissance des diplômes et équivalences. Il s’agira également de doter tout travailleur et travailleuse d’un « passeport-formation » où sont consignées les compétences acquises.
La transition écologique implique une transformation des structures de l’emploi à laquelle il faut se préparer. C’est pourquoi nous voulons mettre en œuvre un plan stratégique de transition juste. Nous avons notamment besoin d’identifier les compétences à acquérir et développer. Des initiatives existent mais il faut les coordonner afin de collationner un véritable cadastre permettant de mettre en œuvre des stratégies actives d’éducation, de formation, et de développement des compétences en collaboration avec les opérateurs publics (FOREM, Actiris…), les secteurs professionnels et les synergies locales telles que les IBEFE (Instances Bassin Enseignement-Formation-Emploi).
Nous voulons mettre en œuvre :
- Un fonds intersectoriel de formation ;
- Un renforcement des dispositifs de soutien à la formation (tel que le congé-éducation payé) et aux possibilités d’interruption de carrière pour raison de formation ;
- Une centralisation des informations (filières et dispositifs de soutien) et la possibilité de s’adresser à un guichet unique par région pour les demandeurs et demandeuses d’emploi et les travailleurs et travailleuses qui pourraient également y réaliser un bilan de compétences ;
- Un droit au conseil en évolution professionnelle ;
- Un guichet-service aux entreprises pour les accompagner dans les nécessaires transformations des compétences de leurs salarié·es ;
- Un développement de la validation des compétences acquises en dehors du système d’éducation ordinaire.