11. Mettre en œuvre le droit à la santé

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11.1. Garantir, sur une base territoriale, un accès universel à la médecine générale et aux soins préventifs et généraliser le tiers-payant.

Nous plaidons pour une organisation de l’offre de santé sur base territoriale au plus près des patient·es, à partir du rôle central des généralistes, d’une équipe interdisciplinaire, et d’un échelonnement des soins. Il est important d’agir de manière locale, transversale et continue (soins intégrés) pour répondre au mieux aux besoins des personnes.

Le droit à l’accès complet aux soins de santé à tou·tes, tant à la première ligne qu’à la médecine spécialisée, doit être défendu comme une valeur fondamentale du système de santé et le fondement de toute politique de santé. En ce sens, pour garantir l’accès à un·e généraliste pour tou·tes, nous voulons la généralisation du tiers-payant (qui permet à chaque patient·e de ne payer que la part à sa charge, et non d’avancer l’ensemble du montant à charge de sa mutuelle). Pour faciliter l’accès aux médecins spécialistes, nous voulons favoriser l’organisation de soins intégrés où le ou la médecin généraliste oriente vers le ou la spécialiste adéquate et où tou·tes les soignant·es travaillent en équipes multidisciplinaires.

Il est en effet primordial d’améliorer la qualité et la continuité de la relation thérapeutique notamment grâce à une organisation structurée dont la porte d’entrée doit être la première ligne et par la création des liens forts entre la première ligne et la médecine spécialisée. Ces mesures vont donc de pair avec un renforcement de la première ligne et la revalorisation des professions concernées.

11.2. Soutenir une politique ambitieuse de santé mentale, en commençant par assurer la gratuité de tous les soins psychologiques de première ligne pour les moins de 25 ans.

La santé mentale est le fondement du bien-être d’une personne. Nous voulons investir dans une politique ambitieuse de santé mentale soutenant et renforçant la prévention et l’accès aux soins de santé mentale via les mesures suivantes :

  • Développer l’offre de soins et d’accompagnement en santé mentale dans tous les bassins de vie et au plus proche des gens, dans leurs lieux de vie au travers de l’ensemble de nos politiques tant du point de vue préventif que curatif : santé, éducation, aide à la jeunesse, cohésion sociale, environnement, accès au logement, accès à l’emploi, aménagement du territoire, et en particulier accès à des espaces verts ;
  • Développer des approches ciblées et adaptées pour les publics jeunes, notamment en assurant la gratuité des soins psychologiques de première ligne pour les moins de 25 ans ;
  • Développer les offres de santé mentale de proximité par des services collectifs, communautaires, des lieux de lien et des pratiques en groupe, en renforçant l’accès aux psychologues de première ligne (offre suffisante et modalités de financement adaptées aux réalités du terrain) ;
  • Améliorer la lisibilité de l’offre en santé mentale via un cadastre régulièrement mis à jour.

11.3. Augmenter le budget de la prévention pour atteindre la moyenne européenne de 3 %du budget des soins de santé consacré à la prévention et à la promotion de la santé.

La santé est déterminée par les conditions de vie des personnes, des familles et des communautés. Les problèmes de santé sont plus fréquents lorsqu’il y a pauvreté et précarité, et d’autant plus graves et précoces que ces conditions s’accumulent au cours de la vie. La prévention et la promotion de la santé (« PPS ») sont des politiques indispensables pour agir au niveau de ces déterminants. Elles constituent un axe primordial dans le système de santé.

La meilleure politique de PPS est celle qui se développe en amont de la première ligne d’accompagnement, d’aide et de soins et se déploie au sein des milieux de vie (la famille, le quartier ou le village, l’accueil de la petite enfance, l’école, le lieu de travail, les loisirs, les institutions de soins et d’hébergement, le milieu carcéral, etc.).

La promotion et la prévention de la santé sont dramatiquement sous-financées en Belgique : des mesures de réévaluation et de financement de ces structures de soins s’imposent. Nous voulons augmenter les budgets qui leur sont consacrés pour atteindre en 2025 la moyenne européenne de 3 %du budget des soins de santé. Ce budget sera prélevé de la norme de croissance réelle de 2,5 %. Il ne s’agit pas d’une dépense mais d’un investissement : 1 euro investi en promotion et en prévention de la santé représente 4 euros économisés (chiffres de l’OCDE).

11.4. Développer des structures de première ligne interdisciplinaires d’aide et de soins, telles que les maisons médicales, et déployer des projets de facilitateurs et facilitatrices de santé pour aller à la rencontre des personnes vulnérables.

Toute la population est en droit d’avoir accès à des soins de qualité. Nous voulons renforcer et développer le projet des Community Health Workers (facilitatrices et facilitateurs en santé) chargé·es d’aller à la rencontre des personnes en situation vulnérable afin de leur fournir aide et conseils en santé et de leur faciliter l’accès aux soins. Nous voulons également rapprocher les lieux de soins des lieux de vie en prévoyant des infrastructures de santé de proximité, telles que des maisons médicales interdisciplinaires. Ces structures offrent un accueil généraliste et empathique grâce notamment aux médecins, personnel infirmier, dentistes, personnel paramédical, psychologues, et assistantes et assistants sociaux, qui ont une approche holistique, globale de la personne qui se présente. Ces structures intégrées peuvent jouer un rôle central dans la promotion de la santé et la prévention.

Ces initiatives doivent être particulièrement soutenues dans les zones en pénurie de généralistes. Il est également nécessaire de poursuivre les innovations sur les nouveaux modes de collaboration entre généralistes, personnel infirmier, pharmacien·nes de référence et psychologues de première ligne (entre autres via le « dossier patient unique et informatisé », co-piloté par chaque patient·e qui peut gérer son accès à différents acteurs et actrices de la santé).

11.5. Sortir de la logique du contingentement et des quotas INAMI, proposer une couverture suffisante et une répartition territoriale adéquate de tou·tes les professionnel·les de santé.

La politique de programmation de l’offre des professions médicales et paramédicales doit permettre à chacun·e d’avoir accès aux soins en Belgique. Nous voulons donc poursuivre l’évaluation et l’analyse dynamique et précise des besoins en santé des populations (aux niveaux intra-territorial, régional, national et européen), de la répartition territoriale, et de la démographie des soignant·es.

Dès lors, outre la sortie de la logique du contingentement imposée par les quotas INAMI, il s’agira de soutenir l’installation et l’organisation de personnel infirmier, de sages-femmes et de généralistes dans les territoires qui en sont dépourvus (pratiques de groupes, logements, transports, locaux, Impulseo, Solidarimmo, centre social santé intégré, matériel médical, organisation de la garde, aide logistique et administrative, etc.).

Par ailleurs, dans les zones en déficit aigu de professionnel·les de la santé, une forme de planification territoriale de l’offre sera étudiée afin de garantir une couverture minimale en matière de soins de santé sur l’ensemble du territoire belge.

11.6. Favoriser l’interdisciplinarité des formations de santé, en y intégrant plus fortement les problématiques de santé sociale et de santé environnementale, et soutenir une plus grande collaboration interprofessionnelle entre les soignant·es.

La formation des professionnel·les des soins et de la santé est d’excellente qualité en Belgique, dans chaque discipline. Nous la voulons plus interdisciplinaire. Les enseignant·es et les étudiant·es doivent pouvoir traverser les types d’enseignement et bénéficier de modules communs, notamment dans les premières années d’études et pendant la formation continue. Ces modules porteront sur une compréhension partagée de certains problcfr page 90èmes de santé, mais aussi sur le rôle, les besoins et les nécessités de chaque profession. Au-delà de problématiques de santé sociale spécifiques (la contraception, le dépistage des Infections Sexuellement Transmissibles (IST), l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), les missions et spécificités des Centres de Planning Familial, les violences gynécologiques et obstétricales, ou encore la santé mentale, comme les complications psychologiques et physiques du post-partum, l’accompagnement de fin de vie et les maladies rares), l’organisation de stages pratiques dans les disciplines connexes et de passerelles permettant des réorientations donnera une culture commune et cimentera l’approche en équipe. La formation conjointe portera aussi sur les bases de la santé publique et communautaire : déterminants de la santé, inégalités sociales et environnementales de santé, territorialité, lecture intersectionnelle, promotion de la santé, prévention des maladies. Nous voulons cette approche interdisciplinaire à une formation aux problèmes de santé environnementale, et préparer le secteur des soins de santé aux conséquences du dérèglement climatique comme de l’effondrement de la biodiversité sur la santé physique et mentale.

11.7. Mieux réguler la consommation des médicaments, diminuer leur prix et lutter contre les pénuries en établissant des réserves stratégiques européennes communes de médicaments essentiels, de vaccins et de matériel médical tout en actionnant les possibilités de la législation européenne sur les brevets en cas de pénurie ou de prix excessifs.

Certains médicaments sont trop chers dans notre pays. De manière générale, le prix des médicaments et des innovations doit faire l’objet d’une plus grande transparence afin d’appliquer une politique de prix juste, au niveau fédéral et au niveau européen.

Nous voulons mettre en place des incitants à la relocalisation de la production de médicaments et matériels essentiels, notamment en recourant aux entreprises d’économie sociale pour la fabrication des équipements de protection individuelle (EPI). Il s’agit également d’agir, via la législation européenne, sur les brevets et droits de propriété intellectuelle afin de permettre aux États, pour raison de santé publique, de faire produire par une autre entreprise des médicaments pour lesquels la firme pratique des prix trop élevés ou ne garantit pas des quantités disponibles suffisantes. Nous proposons que la Belgique recoure à ce mécanisme de manière systématique lorsque des médicaments indispensables sont en pénurie ou à des prix déraisonnables et d’en confier, de manière temporaire, la production à un fabricant générique situé en Belgique.

Par ailleurs, nous devons diminuer la surconsommation et la sur-prescription des médicaments, et respecter la durée de prescription recommandée.

Au niveau européen, nous voulons limiter l’influence du lobby pharmaceutique à destination des professionnel·les de santé en renforçant les règles en vigueur.

11.8. Assurer la gratuité de la contraception féminine et masculine et renforcer l’information sur les différentes méthodes de contraception possibles.

Nous voulons encore améliorer notre politique en matière de contraception en Belgique, en la rendant plus accessible afin de réduire davantage le nombre d’IVG et les inégalités entre les genres, et de renforcer les droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Nous proposons la gratuité de la contraception féminine et masculine tout au long de la vie. Nous voulons également renforcer l’information sur les différentes méthodes de contraception possibles pour permettre à chacun et chacune de faire les bons choix.

Enfin, nous souhaitons améliorer les voies d’accès à la contraception et à la contraception d’urgence en autorisant la dispensation par l’ensemble des professionnel·les de santé au sein des organismes chargés de l’accueil, l’information et l’accompagnement des personnes dans le cadre de la vie affective et sexuelle (Centres de Planning Familial, écoles, etc.).

11.9. Garantir le droit d’accoucher dans les meilleures conditions, notamment en luttant contre les violences gynécologiques et obstétricales et en créant un observatoire pour une naissance respectée ; et promouvoir la santé des nourrissons et des enfants en renforçant des actions de prévention autour de la périnatalité.

Chaque femme doit pouvoir choisir les circonstances de son accouchement dans l’intérêt des nourrissons, des mères et de leur partenaire. Pour cela, nous voulons créer un observatoire national pour une naissance respectée.

Nous voulons accentuer la lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales, et développer des actions de prévention autour de la périnatalité : consultation préconceptionnelle, allaitement maternel, alimentation de la femme enceinte, accompagnement psychosocial des familles vulnérables, développement de l’accessibilité des consultations de médecine préventive gratuites pour les femmes enceintes et les enfants, etc.

Pour offrir le meilleur à chaque enfant, nous entendons densifier le réseau des éco-crèches en développant des incitants financiers pour les milieux d’accueil de la petite enfance qui s’engagent dans la transition écologique, la formation continue de leur personnel et la sensibilisation des enfants et des familles. Nous développerons et renforcerons, par ailleurs, le maillage local (crèches, accueil temps libre, services d’Actions en Milieu Ouverts (AMO)) pour une meilleure articulation des offres de service d’accompagnement des familles, avec une attention prioritaire sur les familles monoparentales et les situations de vulnérabilité (problématiques de santé mentale, etc.). Il s’agira également de renforcer les synergies entre l’ONE et les personnes qui interviennent auprès des enfants et de leurs familles, notamment les actrices et acteurs « social/santé ».

11.10. Renforcer l’accès et l’accessibilité des personnes en situation de handicap aux soins de santé, notamment en formant mieux les soignant·es et le personnel d’accueil à leurs besoins spécifiques et en diffusant et systématisant les bonnes pratiques.

Trop souvent, les personnes en situation de handicap peinent à concrétiser leur droit à un accès à des soins de qualité. Nous voulons mettre en œuvre les améliorations nécessaires pour leur garantir l’accès (c’est-à-dire, recevoir un soin) et l’accessibilité (c’est-à-dire, les aménagements raisonnables). Pour cela, nous voulons former les soignant·es et le personnel à l’accueil et aux soins spécifiques pour les personnes en situation de handicap et renforcer la disponibilité des professionnel·les de santé lors des consultations et visites.

Des bonnes pratiques existent déjà ; elles doivent être diffusées, communiquées largement, et finalement systématisées. Enfin, il convient de prévoir un soutien plus important aux proches des personnes en situation de handicap.

11.11. Améliorer l’accès aux soins de santé des personnes sans-papiers en réformant l’aide médicale urgente (AMU), notamment en étendant la couverture aux soins de santé indispensables et en octroyant une carte médicale dès la première visite.

Nous voulons réformer la procédure de l’aide sociale de santé octroyée par les CPAS (« aide médicale urgente » ou AMU) afin de supprimer les nombreux obstacles qui empêchent les personnes en séjour irrégulier (PSI) d’accéder aux services de santé de base. Nous voulons plus concrètement étendre la couverture aux soins de santé indispensables (en ce compris les soins psychologiques, gynécologiques et dentaires) et aux médicaments sur ordonnance, et octroyer immédiatement une carte médicale provisoire dès la première demande. La durée des garanties médicales ou des cartes médicales sera relevée pour une durée d’un an. Dans certaines situations, comme celles du public SDF, le droit à l’AMU doit pouvoir être octroyé sans une visite au domicile.

Nous voulons également améliorer le respect des délais et l’information sur les recours ; et améliorer l’information, la connaissance et la communication sur l’AMU.

11.12. Préserver une vie longue et de bonne qualité, notamment en prévenant et en prenant correctement en charge les maladies chroniques.

Notre objectif est de garantir à tou·tes les conditions d’une vie longue, heureuse et de bonne qualité. En ce sens, nous voulons agir sur la promotion et la prévention bien sûr mais nous voulons aussi renforcer et soutenir les soins au grand nombre de patient·es atteint·es de pathologies chroniques. Ces maladies (comme, par exemple, diabète, la démence, l’obésité, les cancers, maladies cardiovasculaires, maladies de l’appareil locomoteur dont l’arthrose…) diminuent l’espérance de vie et portent atteinte à la qualité de vie des personnes.

Nous voulons notamment :

  • Promouvoir l’activité physique et lutter contre la sédentarité. Considérer l’accès à la nature, à une alimentation saine, à la culture et à la pratique des arts comme faisant partie intégrante des thérapies ;
  • Concrétiser une approche intégrée de la lutte contre les cancers, couvrant à la fois les champs de la recherche et du développement, de la prévention, du dépistage, des traitements et de l’après-cancer ;
  • Élargir et améliorer le dépistage pour le diabète, l’hypertension, l’athérosclérose, les cancers du côlon, du sein et du col de l’utérus, la dépression post-partum et de nombreuses autres pathologies physiques et psychiques, car toutes ces pathologies ont un meilleur pronostic si elles sont détectées et traitées rapidement ;
  • Veiller à une prise en charge mentale des patient·es chroniques ;
  • Permettre aux structures d’hébergement de personnes en situation de handicap et de personnes souffrant de troubles psychiques, qui développent des maladies chroniques et qui nécessitent des soins ,de bénéficier de personnel soignant complémentaire afin de combiner lieux de vie et accès permanent aux soins dont ils ou elles ont besoin ;
  • Renforcer et améliorer le MAF (maximum à facturer) pour les personnes atteintes de maladies chroniques, dont les cancers.

11.13. Garantir une fin de vie digne et choisie en renforçant l’accès aux soins palliatifs et en simplifiant les dispositions de l’euthanasie.

Le respect des patient·es en situation de grande souffrance physique ou psychique face à une maladie incurable nécessite de renforcer l’accès aux soins palliatifs (que ce soit en milieu hospitalier ou à domicile) et de faciliter l’accès à l’euthanasie. Des moyens suffisants, humains et matériels, doivent y être consacrés. Les professionnel·les de la santé devraient bénéficier systématiquement d’une formation tant technique que concernant les aspects humains pour accompagner cette fin de vie.

11.14. Mettre en œuvre un financement au forfait de l’hôpital afin d’offrir des soins de qualité, à la pointe de l’expertise et en soutien à la première ligne.

Aujourd’hui, trop d’hôpitaux doivent facturer des suppléments d’honoraire pour financer leur fonctionnement et leur personnel. C’est un système que nous entendons supprimer à terme. Nous voulons réformer le financement des hôpitaux pour plus de transparence et d’équité ; et passer d’un financement à l’acte à un financement prospectif au forfait.

Le financement des soins hospitaliers de base doit être renforcé et assuré pour tou·tes. Les normes hospitalières en matière de personnel doivent être revues et financées. La spécialité de l’institution hospitalière doit être considérée et traitée de manière indépendante à l’activité de base, ce qui permettra la différenciation voulue au sein d’un territoire de santé, dans le but d’améliorer l’accès aux soins spécialisés, dans la continuité des soins de la première ligne.

L’attractivité pour le personnel de soins et médical est un aspect primordial. Dans le cadre d’un réseau hospitalier, la mobilité des équipes médicales est à promouvoir.

11.15. Améliorer la qualité de vie au travail des soignant·es et la qualité des soins, offrir une rémunération équitable aux professionnel·les de santé, et séparer la rémunération des médecins du financement des hôpitaux.

La qualité de notre système de soins dépend aussi de la qualité de vie au travail du personnel soignant. Nous voulons réviser la politique de rémunération dans le secteur de la santé et des soins afin de revaloriser les métiers qui doivent l’être (comme les logopèdes et les kinés) et les professions en pénurie (le personnel infirmier , les généralistes, des spécialistes comme les gériatres et les psychiatres, les médecins-conseils, les technologues, les éducatrices et éducateurs spécialisés, les professionnel·les de la santé qui agissent en amont sur des déterminants de la santé, notamment via les activités de prévention et de promotion, etc.). Nous voulons également séparer la rémunération des médecins du financement des hôpitaux, rétablir une équité de rémunération au sein d’une profession et entre professionnel·les de santé. La participation décisionnelle de tous les métiers de soins dans la structure décisionnelle des institutions doit être renforcée de manière équilibrée. Des initiatives devront être prises pour s’assurer du bien-être des soignant·es dans la durée afin qu’elles et ils restent actifs plus longtemps dans le secteur (campagnes de promotion sur les métiers, relèvement des normes d’encadrement des patient·es / bénéficiaires, aménagement du temps de travail, politique tandem, etc.). Nous voulons offrir la possibilité pour le personnel absent de longue durée de se (re)former, d’encadrer des stagiaires ou d’endosser des fonctions de soutien administratif. De plus certaines compétences devront être transférées des médecins vers le personnel infirmier, la·ou le sage-femme et la ou le pharmacien.

11.16. Mieux encadrer les stages et rémunérer les étudiant·es stagiaires des filières de la santé et du soin dès lors qu’elles et ils réalisent un travail assimilable à celui d’un travailleur ou d’une travailleuse.

Les étudiant·es font un travail invisibilisé dans le système des soins. Leur présence et leur travail soulagent partiellement le personnel, mais elles et ils ne sont pas rémunérés. Nous voulons en finir avec cette situation injuste. Les stages coûtent également cher aux étudiant·es. Le prix à payer, financièrement et en temps, pour se rendre dans les stages les plus éloignés met en difficulté certain·es étudiant·es, et peut les amener à arrêter leurs études, faute de moyens.

Nous proposons dès lors les mesures suivantes :

  • Accueillir correctement les stagiaires au sein de leur lieu de stage, désigner et financer dans les équipes de terrain des maître·sses de stage compétent·es, prendre en charge les coûts liés aux stages (repas, uniformes, transports), et des équipes suffisamment staffées pour accompagner correctement les étudiant·es en formation initiale ;
  • Prendre des actions concrètes afin de lutter contre le harcèlement sur les lieux de stage ;
  • Améliorer la qualité des stages en médecine en garantissant les droits des assistant·es en médecine et en renforçant les exigences pédagogiques vis-à-vis des maître·sses de stages.

11.17. Élargir le droit de substitution des pharmacien·nes à toutes les prescriptions afin de pouvoir offrir un médicament équivalent moins cher.

Les pharmacien·nes sont des acteurs ou actrices des soins de première ligne aux côtés des généralistes. Leurs compétences de conseil et leur expertise commencent enfin à être reconnues.

Pour diminuer le coût des médicaments pour les patient·es et défendre l’indépendance des pharmacien·nes vis-à-vis des firmes pharmaceutiques, nous voulons étendre le droit de substitution des pharmacien·nes afin quelles et ils puissent proposer des médicaments moins chers. Ceci doit s’accompagner, bien sûr, d’un renforcement, voire d’une généralisation du recours aux prescriptions de médicaments sur base de leur composition et non plus sur base de marques de médicaments.

11.18. Garantir l’accès du citoyen et de la citoyenne à ses propres données de santé, ainsi que leur bonne gestion lorsqu’elles sont partagées.

Nous plaidons pour un système dans lequel chaque citoyen·ne dispose d’un accès effectif à ses données de santé, sous forme électronique et, si nécessaire, sous format papier. Chaque citoyen·ne peut les partager avec le personnel soignant (y compris au niveau transnational) dans le seul cadre d’une relation thérapeutique. Les données ainsi recueillies ne peuvent être utilisées dans un but commercial et des mesures techniques et légales doivent garantir cette situation.

Chaque citoyen·ne doit avoir le contrôle sur les données partagées et sur les relations thérapeutiques créées dans le cadre du dossier informatisé.

11.19. Faire de l’enjeu des assuétudes une question de santé publique, et assurer la prise en soin des victimes d’assuétudes (tabac, alcool, drogues, jeux de hasard, médicaments), notamment en généralisant les salles des consommation à moindre risque intégrées dans une structure d’aide et d’accompagnement de la toxicomanie.

Nous plaidons pour une politique globale et réaliste de prévention et de prise en charge des usages de drogues. Il est temps de sortir la question d’une approche centrée sur la répression et le droit pénal. Nous voulons changer de perspective en considérant la question des usages de drogues avant tout comme une question de santé publique.

Nous voulons mieux accompagner les conduites addictives en renforçant la capacité des individus et des groupes à agir pour leur santé.

Les services d’accompagnement doivent bénéficier des moyens nécessaires pour offrir à leur public des médicaments et dispositifs médicaux adaptés.

Nous voulons généraliser les salles de consommation à moindre risque dans une perspective d’amélioration du bien-être, et non de contrôle. Les modalités de leur déploiement doivent faire l’objet d’une concertation étroite avec le secteur spécialisé.

11.20. Interdire la publicité pour les produits alcoolisés.

La publicité pour les boissons alcoolisées est omniprésente, en particulier en Belgique, et les alcooliers ne cessent de développer des pratiques commerciales douteuses dans le but de favoriser les surconsommations et de toucher de nouveaux publics, dont celui des plus jeunes. L’alcool est le psychotrope le plus consommé dans l’ensemble de l’Union européenne et, contrairement à d’autres produits psychoactifs (tabac, cannabis, ecstasy …), c’est aujourd’hui le seul psychotrope pour lequel il est encore autorisé de faire de la publicité ; il n’est pourtant pas dépourvu de conséquences sur la santé, bien au contraire. De nombreuses études prouvent l’effet très important de la publicité sur la consommation d’alcool, en particulier sur les publics les plus à risque que sont les jeunes et les personnes dépendantes.

11.21. Mettre en place l’Institut du futur pour construire ensemble un plan national qui fixe des grands objectifs communs de santé publique et de bien-être. Ces objectifs se déclineront aux niveaux fédéral, régional/communautaire et communal, et seront notamment financés grâce à une norme de croissance du budget santé de 2,5 %.

Notre pays a besoin d’un plan national qui fixe des grands objectifs de santé publique et de bien-être. Pour le déterminer de manière collective, nous voulons mettre en place l’Institut du futur prévu dans la 6e réforme de l’État. Cet institut rassemblera les représentant·es de la société civile, des différents niveaux de pouvoirs, des patron·nes, des syndicats concernés, des mutualités, et un conseil citoyen pour définir ensemble les objectifs de santé publique. Au début de chaque législature, un programme déroulera une vision globale pour une meilleure santé et une meilleure qualité de vie de la population (notamment en coordonnant les différents plans : cancers, alcool, nutrition, VIH, VHC,  écarts en matière de santé, lutte contre la résistance aux antimicrobiens, perturbateurs endocriniens, etc.). Ce programme d’action intégrera les nouveaux défis posés par le dérèglement climatique et l’extinction de la biodiversité en respectant l’approche « One Health » prônée par l’OMS (Organisation mondiale de la Santé). Cette approche propose d’intégrer et d’unifier la santé des personnes à celle du vivant et des écosystèmes dans tous les secteurs d’activité. Il faudra tenir compte des limites de nos ressources autant que de nos besoins et nous adapter le mieux possible aux changements. Ces objectifs partagés de santé et de protection de la santé permettront une meilleure coordination des politiques des entités fédérées et de l’État fédéral, sans devoir attendre une nouvelle réforme de l’État.

Nous devons financer notre système de soins de santé à la hauteur des besoins de la population. C’est pourquoi nous voulons assurer une norme de croissance légale du budget de la santé de minimum 2,5 %qui permette un financement suffisant des besoins de base actuels en santé publique, et de consacrer des ressources aux nouveaux besoins sanitaires (prévention, santé mentale, vieillissement de la population par exemple).

Vu l’impact déterminant des conditions socio-économiques sur la santé, l’organisation territoriale des soins de santé et des politiques de promotion permettra des financements différenciés en faveur des zones les plus fragilisés.

11.22. Organiser la transition écologique des soins de santé en visant notamment une réduction de leur empreinte écologique de 50 %d’ici 2030.

Le secteur des soins de santé peut contribuer à la transition écologique et solidaire. Une stratégie ambitieuse en la matière implique un effort de formation et de planification de la part des autorités publiques autour d’objectifs clairs et d’étapes intermédiaires. Il s’agit également de prévoir des parties variables du financement en lien avec la réalisation de ces objectifs. Nous voulons créer une cellule entre le Service Public Fédéral (SPF), le KCE et l’INAMI qui propose des mesures structurelles qui permettront aux soins de santé de réduire leur empreinte écologique de 50 %d’ici 2030 tout en renforçant leur résilience.

Nous souhaitons également renforcer la résilience des institutions de soins de santé et des milieux de soins et les préparer aux risques sanitaires posés par le dérèglement climatique en consolidant les liens entre institutions de santé et secteurs déterminants pour la santé (l’eau, l’énergie, les transports, l’alimentation, l’urbanisme, l’environnement).

11.23. Soutenir la recherche scientifique en santé, en veillant à ce que les patient·es et les citoyen·nes en soient acteurs et actrices.

Nous plaidons pour une politique de recherche en santé ambitieuse et qui soutienne les chercheurs et chercheuses.

Nous entendons renforcer la recherche scientifique dans le but d’améliorer la santé publique, la prévention et les soins curatifs, la santé primaire et la santé mentale.

Des fonds publics et privés doivent être mis à disposition des centres de recherches académiques afin de s’orienter sur des thématiques de santé publique et interdisciplinaires (et pas uniquement vers des approches biomédicales et médicamenteuses). Enfin, les données de santé une fois anonymisées ou pseudonymisées notamment dans le cadre de l’Espace européen de santé doivent être accessibles sans coût aux chercheuses et aux chercheurs, dans la logique de la Science ouverte (Open Science). Ceci doit aussi permettre de mettre fin à la « vente » de ces données pour et par des firmes privées à vocation lucrative.