33. Une Belgique plus forte avec des institutions plus simples, plus efficaces et plus proches
Ecolo est depuis toujours attaché à l’organisation fédérale de nos institutions. La structure de notre État doit permettre de développer des politiques qui reflètent les valeurs essentielles de solidarité, de coopération et de respect des diversités. L’organisation institutionnelle n’est, à nos yeux, pas une fin en soi, mais un moyen pour que les autorités prennent des décisions efficaces et qui répondent aux besoins des citoyen·nes.
Les précédentes réformes de l’Etat ont permis de façonner la structure fédérale de la Belgique et d’apaiser certaines tensions communautaires. Elles ont toutefois rendu notre pays très complexe, avec une multitude de niveaux de pouvoir et une grande fragmentation des compétences. La coopération entre les différentes entités du pays est par ailleurs très difficile, alors que de nombreux enjeux exigent qu’elles travaillent de concert.
Les écologistes proposent de simplifier la structure de l’Etat, en le rendant plus efficace et plus proche des citoyennes et citoyens.
En tant qu’écologistes, nous sommes depuis toujours attaché·es à l’organisation fédérale de nos institutions. La structure institutionnelle de notre État doit permettre de développer des politiques qui reflètent les valeurs essentielles de solidarité, de coopération et de respect des diversités.
L’organisation institutionnelle n’est, à nos yeux, pas une fin en soi, mais bien un moyen pour que les autorités puissent prendre des décisions efficaces et qui répondent aux besoins des citoyen·nes.
Ces dernier·es ont une place centrale dans nos réflexions. Comment améliorer les politiques publiques ? Comment améliorer la solidarité, la transparence et la démocratie ? Comment accélérer la transition écologique ? Quels sont les aspects des politiques publiques qui nécessitent d’être exercés de façon spécifique, à l’échelle des entités fédérées ou à l’échelle des communes ? Quels sont ceux qui, au contraire, nécessitent une approche globale, à l’échelon national, voire européen ou mondial ?
Les six réformes de l’État mises en œuvre depuis 1970 ont permis de façonner la structure fédérale de la Belgique et d’apaiser, chaque fois pour un court laps de temps, les tensions communautaires. Elles ont toutefois aussi rendu notre pays très complexe, avec une multitude de niveaux de pouvoir et une grande fragmentation des compétences, singulièrement sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, où se chevauchent les compétences de la Communauté flamande et de la Communauté française, de la Région de Bruxelles-Capitale, et des Commissions communautaires.
Par ailleurs, l’expérience montre que les différentes entités du pays, État fédéral et entités fédérées, ont des difficultés pour travailler de concert, et ce alors que de nombreux enjeux exigent une coopération active entre elles. On le voit notamment dans le cadre de l’élaboration de plans climatiques à l’échelle nationale ou encore à travers les difficultés rencontrées pour déterminer les positions internationales, en particulier au sein des instances européennes, de notre pays.
Enfin, la complexité du modèle belge a tendance aussi à accentuer, le phénomène de fatigue démocratique et la crise de confiance dans les institutions que l’on observe dans de nombreuses démocraties représentatives occidentales.
Pour remédier à ces constats, les propositions institutionnelles des écologistes s’articulent autour de six axes :
- Simplifier le modèle fédéral belge – Même si il n’existe pas de modèle parfait, et que la complexité de notre modèle institutionnel est la résultante d’évolutions historiques et politiques, nous Ecolo et Groen sommes convaincu·es qu’il est possible de simplifier la lasagne institutionnelle, notamment en organisant la répartition de certaines compétences sur une base plus territoriale ;
- Renforcer le niveau fédéral : promouvoir la coopération – Ecolo et Groen veulent renforcer la coopération entre les différents niveaux politiques. Dans cette perspective, nous estimons que l’échelon fédéral doit se voir attribuer explicitement un rôle de moteur et, dans des cas bien définis, d’arbitre du fédéralisme de coopération ;
- Renforcer le niveau fédéral : la répartition des compétences – Les précédentes réformes institutionnelles ont vu l’État fédéral transférer aux entités fédérées toujours davantage de compétences. Ecolo et Groen estiment que, dans certains cas, ces transferts n’ont pas toujours été bien réfléchis et que certaines refédéralisations se justifient, par exemple pour des raisons de solidarité interpersonnelle ou parce qu’un régime harmonisé, valable sur l’ensemble du pays, permettrait des gains d’efficacité et de simplicité substantiels ;
- Simplifier la gouvernance et les institutions bruxelloises – Bruxelles constitue le lieu de rencontre des deux grandes Communautés, la capitale de la Belgique et de l’Europe et une vitrine cosmopolite et internationale de notre pays. C’est aussi le territoire où la complexité du modèle institutionnel belge atteint son paroxysme. Pour Ecolo et Groen, il est indispensable de simplifier la gouvernance et les institutions bruxelloises et de rendre plus cohérentes les politiques publiques menées aux différents échelons de pouvoir de la capitale, dans l’intérêt de ses habitantes et de ses habitants, mais aussi de toutes celles et ceux qui y travaillent, y trouvent refuge ou, plus simplement, la visitent ;
- Simplifier grandement le paysage institutionnel situé entre la Région Wallonne et les communes – En Wallonie, il existe un grand nombre d’institutions et de structures entre la Région et les communes : institutions provinciales, intercommunales, les communautés de communes, projets supracommunaux, etc. L’architecture globale manque de cohérence et de lisibilité, et cette multiplicité d’acteurs affaiblit l’efficacité des politiques publiques, dans un contexte où les finances communales sont en situation critique et où la supracommunalité est un besoin croissant. Pour Ecolo, la grande complexité des structures existantes ne peut pas justifier l’inertie, et il est grand temps de simplifier et de repenser en profondeur toute la couche qui se situe entre l’échelon régional et l’échelon communal. Cette simplification passe en premier lieu par la suppression des institutions provinciales et par le renforcement de la supracommunalité.
- Revitaliser la démocratie et les institutions – Au-delà de la question de la répartition des compétences, nous proposons également une série de réformes cruciales pour la modernisation de nos institutions dans la perspective d’un approfondissement démocratique, telle que la modification de la procédure de révision de la Constitution ou l’introduction d’une circonscription électorale fédérale.
Les réformes et évolutions que nous appelons de nos vœux ne doivent pas se lire comme une simple superposition de bonnes idées, mais plutôt comme un horizon ambitieux et cohérent dont les racines se trouvent dans l’histoire de notre pays et dans les grands débats qui ont animé les cercles progressistes ces dernières années.
Elles poursuivent systématiquement un ou plusieurs des objectifs suivants :
- Une plus grande efficacité des mécanismes de prise de décision ;
- Une plus grande lisibilité et transparence des institutions et du partage des responsabilités entre les niveaux de pouvoir pour les citoyennes et citoyens et une plus grande implication de ces dernier·es dans le fonctionnement de la démocratie ;
- La modernisation de la Belgique, notamment par le renforcement de l’échelon fédéral et l’amélioration des mécanismes du fédéralisme coopératif ;
- Le respect du droit des personnes tenant compte notamment du droit international ;
- L’égalité de traitement entre les personnes vivant sur un même territoire ;
- Le renforcement de la solidarité ;
- Le renforcement du rôle et des prérogatives des assemblées parlementaires, en contrepoids des exécutifs.
En d’autres mots, nos propositions veulent traduire, dans le champ institutionnel, le réformisme radical qui constitue l’essence de l’écologie politique. Toutefois, Ecolo n’ignore rien du paysage politique belge dans lequel il évolue et des multiples scénarios qui peuvent surgir notamment au lendemain des élections de juin 2024. Dès lors, dans l’hypothèse où un blocage institutionnel indépassable conduirait à mettre en cause nos principes et en particulier l’existence du pays, le caractère fédéral de l’État ou les mécanismes de solidarité interpersonnelle ou interrégionale, nous plaiderons pour que la Wallonie, Bruxelles et Ostbelgien, forts de la communauté de destin qu’elles forment ensemble, poursuivent leur projet de développement commun au bénéfice de l’ensemble de leur population, francophone, néerlandophone et germanophone, à l’intérieur du cadre institutionnel belge (hypothèse promue par Ecolo) ou en dehors. Cette dernière hypothèse implique que la Fédération Wallonie-Bruxelles soit alors repensée, notamment pour accueillir, le cas échéant, d’une part des compétences que nous serions contraint·es de devoir défédéraliser et d’autre part, éventuellement, d’autres compétences déjà défédéralisées.
I. Simplifier le modèle fédéral belge
La structure fédérale de notre pays est caractérisée par la superposition de deux couches d’entités fédérées : les Communautés et les Régions. Cette double couche, unique au monde, génère un niveau de complexité spectaculaire, singulièrement sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.
Afin de réduire considérablement cette complexité, sans toutefois remettre en cause l’essence de notre organisation institutionnelle, nous proposons de réorganiser le fédéralisme belge principalement autour d’un État fédéral, moteur et, dans certains cas, arbitre du fédéralisme coopératif, et de quatre entités fortes, de nature régionale : la Flandre, la Wallonie, Bruxelles et Ostbelgien. Les transferts de compétences résultant de cette réorganisation doivent s’accompagner de transferts de moyens (humains, financiers…).
De cette manière, nous entendons réduire l’éclatement législatif et réglementaire et garantissons davantage d’égalité de traitement des personnes présentes sur le territoire bruxellois.
Dans le même temps, nous entendons maintenir des liens institutionnels entre Néerlandophones (de Flandre et de Bruxelles) et entre Francophones (de Wallonie et de Bruxelles) dans les domaines qui forment le cœur des compétences communautaires actuelles, à savoir la culture (en ce compris les médias) et l’enseignement (en ce compris la recherche scientifique). Les autres compétences communautaires seraient par contre régionalisées. Nous détaillons ci-après les attributions de chacune des entités.
1. Bruxelles (actuellement la Région de Bruxelles-Capitale)
Bruxelles (actuellement la Région de Bruxelles-Capitale) exercerait toutes ses compétences actuelles et reprendrait les compétences communautaires dites personnalisables (santé et aide aux personnes) ainsi que la formation professionnelle, l’aide à la jeunesse et l’enfance (actuellement dévolues tantôt aux Communautés, tantôt aux Commissions communautaires). Ces transferts s’effectueraient selon les modalités suivantes :
- Le transfert de compétences se fait de façon progressive, parallèlement au développement d’une législation et de politiques publiques régionales dans les matières concernées, en concertation plutôt qu’en opposition avec les autres entités fédérées et l’État fédéral ;
- La Commission communautaire commune (COCOM) est absorbée par Bruxelles ;
- La régionalisation des institutions ne porte pas préjudice à la possibilité, pour une partie d’entre elles, de garder un caractère principalement néerlandophone ou francophone – l’offre néerlandophone en matière de social-santé et de crèches doit être étendue de manière ciblée et, en toute hypothèse, au moins maintenue (standstill) ;
- Bruxelles doit parvenir à un bilinguisme opérationnel dans toutes ses institutions ;
- Bruxelles se verrait également attribuer la compétence d’organiser un enseignement bilingue Français-Néerlandais sur son territoire et pourrait développer davantage d’initiatives biculturelles, sans préjudice du maintien des compétences des Communautés en matière de culture ;
- Les mécanismes protecteurs des néerlandophones à Bruxelles et des francophones au fédéral doivent subsister et au besoin être modernisés.
2. La Flandre (actuellement Communauté flamande)
La Flandre (actuellement Communauté flamande) continuerait d’exercer toutes ses compétences actuelles (communautaires et régionales) sur le territoire de la région de langue néerlandaise, ainsi que ses compétences en matière d’enseignement et de culture (en ce compris avec les précisions mentionnées dans le paragraphe concernant Bruxelles) à Bruxelles. Une structure institutionnelle allégée par rapport à l’actuelle Vlaamse Gemeenschapscommissie (VGC), pourrait subsister, sur une base volontaire, en tant que pouvoir organisateur décentralisé de la Communauté flamande, pour certaines matières restées communautaires (non transférées aux Régions).
3. La Wallonie (actuellement Région Wallonne)
La Wallonie (actuellement Région Wallonne) exercerait toutes ses compétences actuelles sur son territoire (sauf en région de langue allemande) ainsi que les compétences personnalisables (santé et aide aux personnes), l’enfance et l’aide à la jeunesse issues de la Communauté française.
4. Ostbelgien (actuellement la Communauté germanophone)
Ostbelgien (actuellement la Communauté germanophone) disposerait de ses compétences communautaires actuelles et, sur son territoire, des compétences régionales. Néanmoins, elle pourrait déléguer l’exercice d’une série de compétences régionales à la Wallonie, après concertation et en accord avec elle.
5. La Communauté française
La Communauté française subsisterait en tant qu’entité fédérée à part entière, mais :
- Ses compétences seraient resserrées autour de la culture et de l’enseignement (en ce compris avec les précisions mentionnées dans le paragraphe concernant Bruxelles) ;
- Sa gouvernance serait simplifiée :
- Le Gouvernement de la Communauté française serait composé de maximum 4 ministres, essentiellement également ministres au sein du Gouvernement wallon ou du Gouvernement bruxellois ;
- Pour encourager et soutenir la coopération entre les entités francophones, des réunions conjointes des Gouvernements de la Communauté française, de la Wallonie et/ou du Gouvernement de Bruxelles auraient lieu à intervalle régulier ;
- Vu la concentration de la Communauté autour des compétences de l’enseignement et de la culture, le nombre de député·es passerait à 60. Comme les députées et députés francophones bruxellois, une partie seulement des députées et députés wallons siégerait au Parlement de la Communauté française ;
- La séance plénière et les commissions permanentes continueraient à être organisées sur un rythme au moins bimensuel. Le Parlement de la Communauté française organisera le maximum de ses travaux, en ce compris ses séances plénières et de commissions, au Parlement de Wallonie et au Parlement bruxellois ;
- La coopération et l’intégration des services et instances seraient également renforcées : tout ce qui pourrait être mis en commun, le serait. Ainsi, par exemple, le Bureau du Parlement de la Communauté française sera composé de membres des Bureaux du Parlement wallon et du Parlement régional bruxellois.
- La Commission communautaire francophone (COCOF) serait supprimée en tant qu’entité fédérée à part entière, mais une structure institutionnelle allégée pourrait subsister, sur base volontaire, en tant que pouvoir organisateur décentralisé de la Communauté française, pour certaines matières restées communautaires (non transférées aux Régions).
II. Renforcer le niveau fédéral : promouvoir la coopération
Le fédéralisme belge est caractérisé par l’exercice (quasi-)exclusif de leurs compétences par les différents niveaux de pouvoir : les compétences de l’État fédéral et de chaque entité fédérée font en principe l’objet d’une démarcation stricte sur le plan matériel et/ou sur le plan territorial.
Ce principe d’exclusivité est doublé d’une absence de hiérarchie entre les normes adoptées par l’État fédéral ou par les entités fédérées et par le principe selon lequel une entité (fédérale ou fédérée) ne peut consentir une dépense que si celle-ci relève de l’exécution de ses propres compétences (principe du « fédéralisme financier »).
Le système de l’exclusivité des compétences et de l’équipollence des normes présente certains défauts manifestes : il peut être source de blocages politiques ou de mauvaise gestion, lorsque plusieurs entités, dont les visions politiques diffèrent, doivent régler un problème concret qui exige qu’elles agissent de concert (par exemple la gouvernance climatique, le dossier du RER ou le dossier du survol).
Par ailleurs, l’indispensable coordination de plusieurs entités (partiellement) compétentes est parfois difficilement compatible avec la nécessité de prendre des mesures en urgence dans le cadre de la gestion d’une crise (par exemple le COVID-19 ou la gestion des inondations).
Les mécanismes existants de prévention et de règlement des conflits d’intérêts ne fonctionnent pas de manière satisfaisante et le droit de veto conféré à toutes les parties (pour ne pas dire tous les ministres) génère régulièrement ce que l’on nomme des « joint decision traps », c’est-à-dire des situations d’immobilisme où toutes les parties se neutralisent, délétères pour l’intérêt général.
Pour Ecolo et Groen, il est souhaitable d’aménager une série de règles et de mécanismes afin d’améliorer la coopération entre les différentes entités du pays et de limiter les hypothèses de blocage, notamment en conférant ou en officialisant le rôle de l’État fédéral comme moteur, voire arbitre, du fédéralisme coopératif.
1. L’État fédéral comme unité de commandement
Nous proposons d’ancrer expressément dans notre ordre juridique le rôle de l’État fédéral comme « unité de commandement » en cas de crise ou d’urgence. Cette attribution permettrait à l’État fédéral de prendre des mesures qui, en temps normal, ne relèvent pas de ses attributions. Elle serait encadrée par des conditions précises (définition de ce qu’est une crise ou une situation d’urgence, respect du principe de proportionnalité, obligation de communication et de concertation avec les entités fédérées, possibilité pour ces dernières de continuer à exercer leurs compétences habituelles et de prendre des mesures complémentaires n’entrant pas en opposition avec les mesures fédérales…).
2. L’atténuation de la rigidité du fédéralisme financier
Nous proposons d’atténuer la rigidité actuelle du fédéralisme financier en permettant à l’État fédéral de participer au financement de certaines politiques publiques d’une entité fédérée, pour autant que cette dernière n’indique pas son désaccord (on pense par exemple à l’hypothèse d’une aide apportée après une catastrophe climatique).
3. L’État fédéral comme arbitre de dernier ressort
Dans certaines hypothèses et conditions bien circonscrites, le niveau fédéral doit pouvoir jouer un rôle d’arbitre de dernier ressort d’un blocage politique persistant :
- En cas de non-conclusion d’un accord de coopération obligatoire (par exemple, après 6 mois de retard) et après une procédure devant le Comité de concertation ;
- Dans le cadre de la gouvernance climatique, en cas de désaccord persistant sur le burden sharing ;
- Dans le cadre international, si les entités concernées par une prise de décision (en vertu des accords de coopération de 1994) ne parviennent pas à un accord sur la position à adopter par la Belgique au sein d’une organisation internationale dont elle est membre ;
- À l’issue d’une procédure en conflit d’intérêts, si le Comité de concertation n’a pas réussi à aboutir à une solution et que l’urgence ou l’importance politique de la situation implique une prise de décision politique.
Pour éviter tout abus, l’assemblée d’une entité pourrait, par une motion signée par 2/3 de ses membres, geler et/ou bloquer le mécanisme si elle estime que les intérêts de l’entité sont lésés.
4. Le recours aux compétences-cadre et aux compétences concurrentes
Il pourrait être fait plus régulièrement usage de compétences-cadre : l’État fédéral définit les grands principes d’une matière tout en laissant une certaine latitude aux entités fédérées pour préciser les contours exacts de la législation.
L’existence de compétences concurrentes dans certaines matières normatives et non budgétaires pourrait être consacrée, comme cela se fait dans d’autres pays fédéraux. Ainsi, dans certains domaines, l’État fédéral et les entités fédérées pourraient légiférer dans une même matière, mais en cas de conflit entre les dispositions adoptées à plusieurs échelons, la loi fédérale primerait. En cas d’absence d’accord ou en cas de vrai désaccord au niveau fédéral, les entités fédérées resteraient compétentes pour adopter l’ensemble des règles liées à cette matière. La consécration de compétences concurrentes paraît notamment intéressante en matière de protection des droits fondamentaux (lutte contre les discriminations, protection de la vie privée…) et de protection de l’environnement. Cette technique législative permettrait l’harmonisation de larges pans de réglementation, notamment lorsqu’il s’agit de transposer des normes européennes.
5. Un plan pluriannuel d’investissements stratégiques
A l’instar de la méthode utilisée dans le cadre du plan de relance européen, le niveau fédéral devrait pouvoir piloter un plan pluriannuel d’investissements publics stratégiques, élaboré avec les entités fédérées. Ce plan pluriannuel permettrait à la Belgique de se doter de et de renforcer des infrastructures stratégiques, par exemple dans les domaines de la transition écologique et énergétique, de l’autonomie alimentaire ou de l’adaptation au changement climatique.
III. Renforcer le niveau fédéral : la répartition des compétences
Les six précédentes réformes de l’État ont été caractérisées par une logique centrifuge. Au fur et à mesure de celles-ci, le nombre de compétences exercées par l’État fédéral a été considérablement réduit au profit de la liste des compétences transférées aux entités fédérées. Ce faisant, la fragmentation des compétences a significativement augmenté.
Loin de systématiquement favoriser la cohérence et l’efficacité de l’action des pouvoirs publics, l’éclatement actuel des compétences entre le niveau fédéral et les entités fédérées (et entre les niveaux communautaires et régionaux), induit une complexité et une opacité certaines, tant dans le travail des responsables politiques et des administrations que pour les citoyennes et les citoyens.
Sans aucunement remettre en cause la structure fédérale de la Belgique, nous estimons que l’opportunité des transferts de compétences n’a pas toujours été appréciée à l’aune des intérêts des citoyennes et citoyens, de l’efficacité ou de la transparence des politiques publiques.
Nous proposons d’examiner les transferts déjà opérés et d’analyser l’opportunité d’une refédéralisation à la lumière d’une série de critères :
- La refédéralisation renforcerait-elle la solidarité interpersonnelle ?
- La refédéralisation permettrait-elle des économies d’échelle importantes et/ou une concentration bénéfique de l’expertise de l’administration ?
- Un régime harmonisé, valable sur l’ensemble du territoire du pays, serait-il souhaitable, parce que la fragmentation de la compétence génère une trop grande complexité, est illisible ou inefficace ?
- La défédéralisation a-t-elle mené à une course au moins-disant (par exemple en matière de protection environnementale ou sociale…) ?
- Le domaine visé a-t-il une importance cruciale sur le plan national (par exemple, les infrastructures stratégiques) ?
L’existence de différences dans les politiques publiques menées, suite aux défédéralisations ne constitue pas un argument suffisant en soi, puisqu’il s’agit d’une conséquence naturelle d’une défédéralisation.
La question pertinente est de savoir si les avantages (éventuels) de mener des politiques publiques différenciées l’emportent ou non sur les inconvénients.
Au demeurant, ces refédéralisations ne porteraient pas préjudice à quelques défédéralisations bien justifiées (par exemple, le transfert des compétences « biéducatives », c’est-à-dire, l’enseignement bilingue à Bruxelles).
Sur base de ce qui précède, nous retenons les éléments suivants, à titre illustratif, comme matières pouvant faire l’objet d’une refédéralisation.
1. Climat et énergie
Pour ce qui concerne le climat et l’énergie, nous retenons les compétences suivantes :
- La définition d’une vision à long terme et des objectifs climatiques de la Belgique ainsi que la répartition de ces objectifs et des moyens européens (ETS & co) qui y sont affectés, moyennant une consultation et une concertation étroite avec les Régions ;
- L’hydrogène ;
- Les réseaux de transport CO2 ;
- La gestion des données des réseaux de distribution d’énergie.
2. Mobilité
Pour ce qui concerne la mobilité, nous retenons les compétences suivantes :
- Règles de sécurité et code de la route, sans préjudice de la compétence des Régions de déroger à certaines règles fédérales pour mettre en œuvre des standards plus élevés en matière de sécurité routière et de protection de l’environnement (par exemple, à Bruxelles pour en tout état de cause maintenir la zone 30km/h généralisée) ;
- Examen de permis de conduire et formation à la conduite ;
- Contrôle technique ;
- Fiscalité automobile ;
- Marché du transport routier dont accès à la profession de routier ;
- Contrôle de la réglementation sur la pêche maritime ;
- La capacité de créer des tickets intégrés.
3. Santé
Pour ce qui concerne la santé, nous retenons les compétences suivantes :
- Mécanismes de gestion de crise (voir aussi le II.1 « L’État fédéral comme unité de commandement ») ;
- Médecine préventive et éducation à la santé : au moins reconnaître le niveau fédéral en tant que partenaire avec des compétences complémentaires en prévention et éducation à la santé, notamment en ce qui concerne le remboursement par l’assurance maladie obligatoire et les affaires sociales, à travers une collaboration interfédérale structurelle, soutenue par un plateforme inter-administrative et basée sur des objectifs de santé communs ;
- Hôpitaux de réadaptation-revalidation.
4. Justice
Pour ce qui concerne la justice, nous retenons les compétences suivantes :
- Aide juridique de première ligne ;
- Allocation de subsistance des condamnés dont la peine est exécutée au moyen d’un bracelet électronique.
5. Sport
Pour ce qui concerne le sport, nous retenons les compétences suivantes :
- La candidature pour l’organisation de grands évènements internationaux ;
- La construction et gestion d’un nombre choisi d’infrastructures nationales ;
- La lutte contre le dopage ;
- Les contrats des sportifs de haut niveau ;
- Le financement du COIB ;
- La garantie pour les fédérations sportives de s’organiser sur un territoire dont elles déterminent l’échelle et, le cas échéant, de s’associer entre elles au-delà des frontières régionales pour l’organisation de compétitions (par exemple organiser un championnat sur le territoire de Bruxelles et des deux Brabants) ;
- La fiscalité des droits TV (dans l’optique de la création d’un fonds affecté au sport amateur).
6. Autre compétences
Nous pensons également à une série d’autres compétences dans des domaines variés :
1. La coopération au développement ;
2. Le fonds des calamités ;
3. Les pôles d’attraction universitaires ;
4. Les allocations familiales ;
5. Le bien-être animal.
IV. Simplifier la gouvernance et les institutions bruxelloises
Les propositions institutionnelles pour Bruxelles comprennent trois volets :
- La simplification de la lasagne institutionnelle bruxelloise via les transferts de compétences des Communautés vers les Régions ;
- L’harmonisation des politiques publiques dans certains domaines relevant de compétences partagées entre la Région et les communes ;
- D’autres propositions relatives à la gouvernance.
1. Simplification de la lasagne institutionnelle bruxelloise via les transferts de compétences des Communautés vers les Régions
Nous renvoyons vers le point I. pour ce qui concerne les transferts de compétences des Communautés vers les Régions que nous préconisons et les modalités spécifiques à prendre en compte pour opérer ces transferts, notamment en terme de protection de la minorité néerlandophone.
Opérer ces transferts permettrait la suppression de la COCOF en tant qu’entité fédérée à part entière, l’absorption de la COCOM par Bruxelles et, en fonction du choix opéré par les uns et les autres, un allègement, voire la suppression, de la COCOF et de la VGC (en tant que pouvoir décentralisés des Communautés).
2. Harmonisation des politiques publiques dans certains domaines relevant de compétences partagées entre la Région et les communes
La complexité de la lasagne institutionnelle bruxelloise se joue également au niveau de la relation entre la Région (« Bruxelles ») et ses 19 communes. Afin d’assurer l’égalité de traitement entre les Bruxelloises et Bruxellois, la cohérence, l’efficacité des politiques publiques et leur lisibilité, il est utile de ré-articuler une série de compétences partagées entre ces niveaux.
Concrètement, il s’agit de conférer plus expressément à Bruxelles le soin de définir les grandes orientations à suivre dans une série de domaines où l’efficacité des politiques publiques et l’égalité de traitement des citoyennes et des citoyens le requiert, tout en préservant l’échelon communal qui assure des services publics décentralisés indispensables à la population et constitue l’échelon démocratique le plus proche des habitants et des habitantes.
Nous identifions cinq ensembles thématiques prioritaires, que nous détaillons ci-après.
a) Les politiques d’accompagnement des CPAS
Les 19 CPAS (un par commune) ont chacun leur approche de l’accompagnement et leurs ressources propres. Cette disparité en termes de moyens et de ligne de conduite induit des différences de traitement entre les bénéficiaires. Ecolo et Groen estiment qu’il est indispensable de faire converger les modalités d’accompagnement social, selon les standards les plus favorables aux bénéficiaires.
Il s’agirait de procéder par étape afin d’assurer, d’une part, l’établissement d’un socle minimal commun et, d’autre part, une intégration progressive des pratiques harmonisées. Renforcer la contractualisation entre la Région et les CPAS constitue, dans cette optique, un premier levier. À terme, il faudrait aboutir à la fusion des 19 CPAS en un seul organisme d’aide sociale bruxellois disposant d’antennes décentralisées bien réparties sur le territoire régional et garantissant partout des services d’aide proches et accessibles et un suivi personnalisé des dossiers.
b) La fiscalité et l’égalité tarifaire
Ecolo et Groen plaident également en faveur de l’harmonisation des pratiques fiscales communales. Les communes disposent d’une autonomie fiscale propre et lèvent, d’une commune à l’autre, des taxes et impôts parfois très différents. Selon l’état des finances communales, les habitants et habitantes paient des impôts additionnels élevés ou non et bénéficient en retour de services différents (gratuité ou non du matériel scolaire, tarifs d’entrée différents dans les infrastructures communales comme les piscines, les salles de spectacles, etc.).
Ecolo et Groen plaident pour une harmonisation progressive des pratiques fiscales à l’échelle régionale et pour la suppression des différences de tarifs d’accès aux infrastructures communales fondées sur la commune de résidence.
c) La mobilité, les projets de réaménagement et le stationnement
À l’heure actuelle, les voiries sont divisées entre 20 gestionnaires de voiries (19 communes + la Région). Cela signifie autant de procédures d’entretien différentes, une complexité dans la gestion de chantiers avec une multiplication des parties prenantes dans l’élaboration, dans la mise en œuvre des plans de mobilité et dans les grands projets de réaménagement, a fortiori dans les zones situées à l’intersection de plusieurs communes.
Il en va de même pour le stationnement, puisque parking.brussels n’opère pas encore dans toutes les communes et que celles-ci disposent d’une compétence large pour définir les zones et la tarification du stationnement et des cartes riverain.
Pour Ecolo et Groen, les politiques publiques en matière de mobilité, de réaménagement et de stationnement doivent se réfléchir à l’échelle régionale. À terme, nous plaidons dès lors pour qu’il n’y ait plus qu’un seul niveau de pouvoir responsable dans ces domaines : la Région. Cette évolution n’implique aucunement que les réalités locales ne puissent pas être prises en compte dans l’élaboration des politiques publiques, ni que les communes ne puissent plus être consultées. Elle doit toutefois permettre d’éviter des décisions politiques contradictoires, les blocages, et les renvois de responsabilités.
d) L’urbanisme, en ce compris la gestion des espaces verts
Tant en terme de procédures urbanistiques que de la gestion des espaces verts, la division de la compétence entre la Région et les communes amène à des pertes d’efficacité. Les communes ne disposent pas toutes des mêmes ressources à affecter au traitement des dossiers d’urbanisme ni à l’entretien des espaces verts, là où la Région dispose de plus de moyens et d’expertise.
Nous voulons décharger les communes d’une partie de ces missions en les confiant à la Région. Davantage de demandes de permis d’urbanisme seraient traitées à ce niveau, en fonction d’un seuil de surface à déterminer. Dans les missions urbanistiques qui resteraient dévolues aux communes, la Région doit pouvoir jouer un rôle de soutien et délivrer des lignes directrices qui garantissent une interprétation uniforme de la réglementation régionale.
Dans un même ordre d’idée, les espaces verts de surface élevée et/ou d’intérêt régional doivent être transférés progressivement à l’échelon régional au niveau duquel il est plus simple de garantir un haut niveau d’expertise et des pratiques uniformes (par exemple, pour ce qui concerne l’organisation d’évènements).
e) Les logements publics
Actuellement, le parc public locatif bruxellois est détenu par différents opérateurs et organisé aux échelons communal et régional. Les conditions d’accès à un logement du parc public communal varient donc très largement en fonction de l’opérateur. En outre, les habitants et les habitantes voulant bénéficier d’un logement public peuvent (et ont même intérêt) à solliciter différents opérateurs, un à un, ce qui multiplie les démarches et aggrave le non-recours au droit.
Cette multiplication d’acteurs endommage l’efficacité et la transparence des pratiques ainsi que l’égalité de traitement entre les bénéficiaires dans un domaine extrêmement sensible et important.
Pour harmoniser les conditions d’accès à un logement public et faciliter les démarches pour les citoyennes et les citoyens, nous voulons à terme régionaliser la gestion du parc locatif public. Une étape intermédiaire consisterait à poursuivre l’uniformisation des conditions d’accès au logement public et les procédures de demande.
3. Autres propositions institutionnelles bruxelloises
Outre les propositions déjà évoquées ci-avant, Ecolo et Groen plaident pour une série de réformes plus ponctuelles.
a) Activer la Communauté métropolitaine de Bruxelles
Bruxelles constitue un pôle économique social et culturel de première importance, tant à l’échelle belge qu’européenne. Son influence socio-économique dépasse largement le territoire des 19 communes de la Région de Bruxelles et s’étend largement au-delà, en Flandre et en Wallonie.
Ecolo et Groen plaident pour la relance des discussions sur la conclusion d’un accord de coopération d’activation de cette Communauté métropolitaine, comme le prévoit l’article 92bis, §7, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980.
b) Réforme de la composition du Parlement bruxellois
Pour Ecolo et Groen, Bruxelles constitue un trait d’union entre les francophones et les néerlandophones et un des gages de solidité du pays. A ce titre, nous considérons qu’il est indispensable, non seulement, de promouvoir la connaissance effective des deux langues officielles régionales, mais aussi d’assurer à la minorité néerlandophone de continuer à disposer d’une représentation politique suffisante.
Cette volonté se cumule avec le souhait d’autoriser progressivement l’établissement de groupes politiques bilingues au Parlement bruxellois (comme à la Chambre des Représentant·es) et, dans un second temps, la présentation de listes électorales bilingues. L’établissement de ces listes bilingues ne devrait toutefois pas porter préjudice au système de représentation garantie au Parlement et au Gouvernement bruxellois dont bénéficient actuellement les Néerlandophones.
S’agissant du système électoral, Ecolo et Groen soutiennent également une certaine réduction du nombre de parlementaires bruxellois (par exemple de 89 à 75), étant entendu que le nombre retenu in fine devrait permettre le maintien d’une représentation néerlandophone dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui et suffisante pour assurer une représentation pluraliste des néerlandophones.
c) Réforme des zones de police
Au regard des défis que nous devons relever en vue d’assurer à chacun et chacune sa sécurité, nous devons pouvoir nous appuyer sur des forces de l’ordre efficaces et bien organisées. En particulier, il s’agit de pouvoir faire face plus efficacement à des phénomènes complexes et qui excèdent largement les frontières des zones de police (trafic de drogue, évènements internationaux, etc.).
Pour cela, Ecolo et Groen plaident pour la mise en place d’un état-major régional qui constituerait le centre de commandement au niveau régional. Ce centre de commandement permettrait une coordination structurelle pour faire face aux enjeux régionaux de sécurité. À terme, les zones de police existantes pourront progressivement fusionner. Les compétences du Ministre-Président en matière de sécurité seront élargies, en incluant le maintien de l’ordre à l’échelle régionale. Il pourra notamment prendre des arrêtés, règlements et protocoles de police concernant le territoire de Bruxelles.
Simultanément, nous voulons préserver la police de proximité qui constitue une des actrices et acteurs essentiels de la prévention et du vivre-ensemble.
V. Simplifier grandement le paysage institutionnel situé entre la Région Wallonne et les communes
En Wallonie, il existe un grand nombre d’institutions et de structures entre la Région et les communes : institutions provinciales, intercommunales, les communautés de communes, projets supracommunaux, etc. L’architecture globale manque de cohérence et de lisibilité, et cette multiplicité d’acteurs affaiblit l’efficacité des politiques publiques, dans un contexte où les finances communales sont en situation critique et où la supracommunalité est un besoin croissant. Pour Ecolo, la grande complexité des structures existantes ne peut pas justifier l’inertie, et il est grand temps de simplifier et de repenser en profondeur toute la couche qui se situe entre l’échelon régional et l’échelon communal. Cette simplification passe en premier lieu par la suppression des institutions provinciales et par le renforcement de la supracommunalité.
Les institutions provinciales, en particulier, développent une série de politiques qui peuvent entrer en concurrence avec la Région et la Fédération Wallonie-Bruxelles, avec les communes ou avec d’autres entités situées entre la Région et les communes. Leurs limites territoriales apparaissent largement inadéquates par rapport aux réalités des bassins de vie et ne constituent le plus souvent pas l’échelle de référence pour organiser une réelle programmation territoriale de l’offre de service public. Leur fonctionnement est relativement obsolète et opaque pour le grand public. Dans ce contexte, elles sont aussi parfois utilisées comme outil privilégié de clientélisme. L’élection directe des conseils provinciaux, compte tenu de la crise existentielle dans laquelle ces institutions se trouvent depuis longtemps et compte tenu de l’absence d’intérêt d’une large partie de la population, ne parvient malheureusement pas à établir la légitimité des institutions provinciales.
En même temps, la supracommunalité est une réalité de plus en plus incontournable et dont le besoin est croissant. Le contexte critique des finances locales rend d’autant plus nécessaire de rechercher les économies d’échelle. Les communes multiplient logiquement l’échange de bonnes pratiques et les collaborations. Dans ce contexte, il est symptomatique de devoir constater que les institutions provinciales n’en constituent man supracommunalité est un besoin croissant. Pour Ecolo, la grande complexité des structures existantes ne peut pas justifier l’inertie, et il est grand temps de simplifier et de repenser en profondeur toute la couche qui se situe entre l’échelon régional et l’échelon commuifestement pas ou peu le vecteur, comme en témoignent l’ensemble des structures créées à côté d’elles pour rencontrer ce besoin de supracommunalité.
Ecolo propose que les compétences, les financements et les agent·es des institutions provinciales soient reprises par la Région (ou par la Fédération Wallonie-Bruxelles, selon le cas), sauf (1) les compétences qui peuvent être plus adéquatement exercées à l’échelle communale, qui seraient reprises par les communes ; et (2) les compétences qui peuvent être plus adéquatement exercées à l’échelle supracommunale, qui seraient transférées aux communautés de territoire (cf.infra).
Chaque transfert de compétence doit être opérationnalisé avec un transfert à 100 %des agent·es et des financements qui y correspondent. Cette réorganisation sera pilotée par la Région et s’effectuera donc dans le respect de l’emploi et des droits des agent·es, dans le maintien des missions d’intérêt public sans vider les territoires de leurs travailleurs et travailleuses et de centres de décision. L’engagement à l’égard du personnel constitue un élément essentiel de la réforme.
À côté de la suppression des institutions provinciales, Ecolo propose également d’organiser, de simplifier et de renforcer la supracommunalité, en rationalisant les nombreuses structures qui se sont développées à l’échelle supracommunale (communautés de communes, conférences des bourgmestres, forum avec les forces vives, projets supracommunaux, intercommunales d’envergure supracommunale, etc.) pour les regrouper au sein d’une seule et même institution constituée à l’échelle des bassins de vie, les communautés de territoire. Un décret fixera un cadre visant un maillage complet du territoire et définissant les critères pour définir un bassin de vie. Sur cette base, le Gouvernement wallon concertera les communes pour proposer un maillage territorial de référence auquel chaque commune pourra décider d’adhérer.
Les communautés de territoire émanant de cette opération de simplification seront chargées de manière générale des enjeux supracommunaux et exerceront au moins cinq missions :
- La définition et la mise en œuvre d’une vision et d’une stratégie de développement territorial (aménagement du territoire, mobilité, logement, etc.), dans le cadre des orientations définies par la Région ;
- Le pilotage politique et le contrôle démocratique des compétences actuellement exercées par les intercommunales d’envergure supracommunale (développement économique, déchets, épuration, hôpitaux & maisons de repos, etc.) ; les intercommunales seraient ainsi transformées en agence technique d’exécution des orientations politiques de la communauté de territoire et répondent de cette exécution devant leurs organes, avec suppression, des actuels organes des intercommunales (AG, CA, Bureau exécutif, etc.) ; il pourrait en être de même d’autres entités qui opèrent à la même échelle, telles que les sociétés de logement de service public par exemple ;
- L’organisation de la réflexion et du dialogue des forums avec les forces vives, en coordonnant l’association des corps intermédiaires et actrices et acteurs du territoire qui y sont impliqués ;
- L’exercice des compétences actuellement exercées par les institutions provinciales qui seront gérées de façon plus appropriée à cette échelle supracommunale, comme le support technique aux communes par exemple, ainsi que la programmation ou la possible reprise, avec l’appui financier de la Région, d’infrastructures collectives à l’échelle des bassins de vie (maisons de repos, abattoirs, circuits courts, piscines, centres sportifs, etc.), qui sont actuellement gérées par des communes ou CPAS mais dont l’échelle dépasse le territoire communal ;
- À titre subsidiaire, l’exercice de missions déléguées par l’État fédéral, par la Région ou par la Fédération Wallonie-Bruxelles, moyennant le financement adéquat ; ou encore la mise en œuvre de projets à partir de subventions dans le cadre de programmes UE.
A côté de ces missions fixées par décret, les communes pourront naturellement confier certaines missions complémentaires à leur communauté de territoire, à la carte ou de façon uniforme, sur base d’une décision au sein de son assemblée délibérative et d’une décision du conseil communal des communes intéressées.
Les communautés de territoire constituent une nouvelle forme d’association de communes, et auront pour organes : (1) une assemblée délibérative, composée exclusivement de membres du conseil communal ou du collège communal, qui délibère en public et se réunit au moins une fois par mois ; afin d’assurer la meilleure représentativité, les membres de cette assemblée sont élu·es indirectement à partir d’une addition des suffrages exprimés par la population dans l’ensemble des communes concernées et (2) un collège exécutif, dont les membres seront issu·es de l’assemblée délibérative. Le collège sera responsable devant l’assemblée délibérative (avec motion de méfiance, le cas échéant, selon les mêmes modalités que celles applicables au niveau communal). L’élection des conseillères et conseillers communaux ainsi que des bourgmestres s’organise à la proportionnelle pure et simple, la répartition des sièges s’opérant selon la clé de répartition D’Hondt, comme pour les scrutins provinciaux, régionaux, fédéraux et européens.
Les règles de transparence et de gouvernance des communes (accès public aux documents, contrôle démocratique et moyens d’action des élu·es, publicité, retransmission et rediffusion des débats, limitation et contrôle des rémunérations, règles de parité, etc.) sont évidemment applicables aux communauté de territoire. Cette simplification conduira par ailleurs à une réduction importante du nombre de mandats publics.
Ecolo veut donc concilier efficacité au service du citoyen et de la citoyenne (en évitant des dépenses budgétaires non pertinentes, des redondances de compétences et un manque de clarté des institutions), un niveau de proximité le plus adéquat possible et une transparence démocratique, gage de contrôle du citoyen et de la citoyenne sur ses mandataires.
VI. Revitaliser la démocratie et les institutions
Au-delà des questions de structure, de répartition de compétences et de coopération, nous proposons aussi une série de réformes visant plusieurs mécanismes essentiels du fonctionnement institutionnel.
1. Mise en place d’une circonscription électorale fédérale
Le système électoral fédéral présente un défaut structurel. En l’absence de listes fédérales, les électeurs ne peuvent pas voter pour toutes les formations politiques du pays, de sorte que les partis se voient encouragés à se replier sur leur communauté linguistique plutôt qu’à tenter de convaincre l’ensemble de la population.
La conséquence de ce qui précède est une tendance à la surenchère communautaire tant dans les programmes électoraux que dans les campagnes et dans les prises de décisions politiques, tant et si bien que la « communautarisation » de la vie politique touche aujourd’hui quasiment tous les dossiers fédéraux.
Pour remédier à ce défaut structurel, Ecolo et Groen souhaitent mettre en place, à côté des circonscriptions territoriales, une circonscription électorale fédérale pour l’élection d’une partie des membres de la Chambre des Représentant·es.
2. Transformation du Parlement en une Maison de la Démocratie
La Belgique, comme la plupart des démocraties libérales occidentales est confrontée à une crise des institutions démocratiques.
Pour faire face à ce désamour, Ecolo et Groen décident résolument de renforcer et de moderniser la démocratie plutôt que de laisser d’autres la remettre en cause. Dans cette perspective, nous nous engageons à la fois en faveur d’une amélioration de la démocratie représentative et en faveur de la mise en place de mécanismes complémentaires de démocratie directe et délibérative.
Concrètement, nous voulons réformer le Parlement fédéral pour en faire une véritable Maison de la démocratie, plus ouverte vers la société et la population. Cette évolution implique, notamment, le renforcement du droit de pétition et la mise en place d’un droit d’initiative citoyenne.
Il s’agirait également de mettre en place une assemblée de citoyennes et des citoyens tirés au sort qui travaillerait d’une part sur des thématiques transversales, pas nécessairement liées aux seules compétences fédérales ainsi que, d’autre part, à l’évaluation de la législation fédérale existante. Une fois tirés au sort, les citoyen·nes seraient libres d’accepter ou non leur désignation (il n’y aurait pas d’obligation, à l’inverse de ce qui est prévu pour les juré·es d’assises).
Nous proposons également de supprimer le Sénat, tel qu’il existe dans sa forme actuelle.
3. Dynamisation et démocratisation de la procédure de formation du Gouvernement fédéral
Le processus de formation de gouvernement en Belgique n’est pas formalisé in extenso dans la Constitution ou dans un autre instrument écrit, mais fait l’objet d’usages (ou de coutumes) plus ou moins ancrés dans l’histoire politique du pays.
La Constitution belge ne prévoit par ailleurs aucune procédure automatique de retour aux urnes si aucun gouvernement n’est formé à l’issue d’un certain délai, de sorte qu’une législature peut théoriquement s’écouler sans qu’aucun gouvernement ne soit formé.
Pour Ecolo et Groen, même si aucune procédure n’offrira jamais de solution ultime aux problèmes de formation, les règles et usages actuels peuvent et doivent être modernisés. Ecolo et Groen formulent les propositions suivantes :
- La Chambre désignerait l’informateur ou informatrice / le formateur ou formatrice. C’est aussi devant la Chambre que le·la formateur·trice devrait périodiquement faire rapport formellement de sa mission ;
- La désignation du ou de la Président·e de la Chambre interviendrait en tout début de législature, après le dépôt de candidatures et moyennant audition des candidat·es. La première tâche du ou de la président·e élu·e serait de conduire les débats relatifs à la formation. ;
- À l’issue d’un certain délai sans formation du Gouvernement , la Chambre devrait procéder à un vote sur sa dissolution éventuelle ;
- Les prérogatives des gouvernements démissionnaires (« en affaires courantes ») seraient mieux balisées – Durant ces périodes, la Chambre prendrait davantage l’initiative sur le plan législatif. Après un certain délai, la Chambre pourrait également provoquer des élections anticipées sans attendre une initiative du Gouvernement en la matière.
4. Modification de la procédure de révision de la Constitution
La procédure actuelle de révision de la Constitution prête le flanc à plusieurs critiques :
- La procédure de révision est trop peu démocratique (l’implication citoyenne est pour le moins limitée en l’absence d’une consultation spécifique) ;
- La procédure est longue, lourde, inflexible et favorise l’inertie dans la mesure où elle requiert obligatoirement :
- Dans le cadre de la déclaration d’ouverture à révision, une initiative conjointe des deux Chambres et du Gouvernement ;
- Une dissolution des Chambres et de nouvelles élections (après la déclaration d’ouverture à révision) de sorte que la révision à proprement parler ne peut être opérée que par les Chambres renouvelées ;
Ecolo et Groen proposent de moderniser la procédure dans le sens suivant :
- La révision de la Constitution pourrait avoir lieu soit dans le contexte d’une dissolution des chambres, soit en cours de législature ;
- Dans les deux cas :
- Le principe de la liste des articles à réviser serait préservé, mais seules les Chambres seraient amenées à en décider, à la majorité simple avec le soutien d’au moins un tiers dans chaque groupe linguistique – le Gouvernement ne pourrait formuler qu’un avis (afin d’éviter qu’il ne s’arroge, comme aujourd’hui, un rôle trop prépondérant dans le processus) ;
- La déclaration d’ouverture à révision serait assortie d’une justification liante pour le pouvoir constituant – Aujourd’hui, le pouvoir pré-constituant peut annoncer une intention, mais celle-ci ne doit pas obligatoirement être suivie par le pouvoir constituant (les nouvelles Chambres fraîchement élues après la dissolution et le Gouvernement) qui peut, in fine, modifier un article dans un sens complètement différent ;
- Le Conseil d’État rendrait un avis sur la proposition de déclaration d’ouverture à révision et sur la proposition de révision en tant que telle (notamment sur sa conformité avec la justification avancée par le pré-constituant) ;
- Dans l’hypothèse d’une révision avec dissolution des Chambres, ce sont les élections qui devraient légitimer les modifications constitutionnelles envisagées. Le fait que le pouvoir constituant soit « lié » par la déclaration d’ouverture à révision devrait permettre un débat public d’une plus grande qualité durant la campagne, puisque le sens des révisions envisagées sera connu et contraignant ;
- Dans l’hypothèse d’une révision sans dissolution des Chambres, un délai de réflexion et de débats d’un an devrait être respecté entre la déclaration d’ouverture à révision de la Constitution et la révision à proprement parler. Durant cette période, les Chambres seraient chargées d’organiser un débat public sur la modification envisagée (commissions délibératives, avis d’experts, auditions…). Si un tiers des parlementaires ou 50.000 électeurs le demandent, la modification envisagée serait en outre soumise à une consultation populaire.
5. Multiplication des contacts entre les néerlandophones et les francophones
Pour Ecolo et Groen, assurer le futur de la Belgique et le bon fonctionnement institutionnel de notre pays, c’est aussi favoriser les contacts politiques, médiatiques et culturels entre Francophones et Néerlandophones. À notre estime, la multiplication (comme la suppression d’ailleurs) d’espaces de rencontre et de contacts dépend largement de décisions politiques.
À titre exemplatif, nous proposons :
- De mettre en place une circonscription électorale fédérale (cf. supra) ;
- De rendre effective l’obligation d’apprentissage du néerlandais (ou éventuellement de l’allemand) dans les écoles en Wallonie (et de maintenir obligatoire l’apprentissage du français en Flandre);
- De permettre la mise sur pied d’un enseignement bilingue (deux langues nationales), en particulier à Bruxelles ;
- De conférer à l’échelon fédéral une compétence réservée en matière d’évènements de portée internationale (culturels, sportifs…), y compris lorsque ceux-ci ont lieu en dehors du territoire de Bruxelles-Capitale (cf. supra) ;
- D’élargir la compétence de Bruxelles en matière de compétences bi-culturelles (article 4bis de la loi spéciale de 1989) ;
6. Créer une circonscription électorale wallonne
Ecolo entend également favoriser l’émergence d’une vision régionale à l’échelle de la Wallonie, par la création d’une circonscription électorale, couvrant l’ensemble du territoire régional et sur base de laquelle serait élue une partie du Parlement wallon, dans le respect de la représentation proportionnelle. Aujourd’hui, au niveau régional, les parlementaires sont élu·es sur la base de circonscriptions électorales dessinées sur le territoire de la Région wallonne. Ce système permet que toutes les réalités territoriales soient prises en considération au Parlement. Cela peut toutefois altérer le développement d’une véritable vision régionale. La création d’une telle circonscription wallonne, à côté de circonscriptions territoriales, vise à renforcer les conditions d’un débat démocratique et l’émergence d’un intérêt public à l’échelle de la Wallonie. Cette réforme est portée sans augmenter le nombre global de parlementaires.
7. Organiser une représentation minimale garantie de la population de langue allemande au sein de la Chambre des Représentant·es et maintenir celle du Parlement européen
Ecolo et Groen sont favorables à la mise en place d’un dispositif permettant d’assurer, comme au Sénat et au Parlement européen, une représentation minimale de la population belge de langue allemande à la Chambre des Représentant·es, tout en garantissant la proportionnalité du scrutin.
8. Moderniser les conditions de désignation des juges à la Cour constitutionnelle
La Cour constitutionnelle joue un rôle fondamental dans l’ordre juridique belge et dans notre système fédéral. Pourtant, les conditions de nomination des 12 juges laissent largement à désirer.
Ecolo et Groen proposent de modifier les conditions de nomination dans le sens suivant :
- Auditionner les candidates et candidats par le Parlement fédéral, en tout cas pour la catégorie des ex-parlementaires afin de permettre aux candidates et candidats de démontrer leur connaissance des droits fondamentaux et du fédéralisme, leur compréhension des enjeux, leur vision, la façon dont ils ou elles envisagent la fonction ;
- Élargir la catégorie des haut·es juristes (actuellement uniquement des professeur·es d’université ou des magistrat·es) à d’autres profils (ONG, syndicats, cabinets d’avocat·es, organisations internationales…) afin d’enrichir la diversité des profils au sein de la Cour, sans préjudice des exigences d’excellence en matière de connaissance du droit ;
- Rendre la Cour plus représentative de la société, notamment à travers un renforcement des quorum de genre. Nous souhaitons proposer un quota de minimum 1/3 de juges de chaque genre par catégorie linguistique.