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Urbike livre des colis à vélo : "Me sentir utile pour une mission qui est beaucoup plus grande que moi"​

Publié le 1 mars 2023
Rédigé par 
Ecolo

Combiner exigences économiques, environnementales et sociales est-il possible? C’est le pari d’Urbike, une société coopérative de livraison de colis à vélo en région bruxelloise. En quelques années, l’entreprise a déjà créé une quarantaine d’emplois et poursuit son expansion, en ne perdant jamais de vue les valeurs sur lesquelles elle s’est fondée. Nous avons rencontré Renaud Sarrazin, au milieu des colis, des coursiers et de leurs vélos-cargos, dans le principal centre de la société localisé à Anderlecht.

(Si vous préférez voir et entendre plutôt que lire, la vidéo de l’interview est en bas de l’article)


Comment est née la société Urbike?

Renaud: D’abord d’une rencontre. Delphine, Philippe et moi-même travaillions dans un bureau d’étude qui s’appelait City Lab, un bureau d’études en logistique urbaine. On mettait en place des expérimentations pilote avec des villes. On s’est rendu compte qu’il manquait un acteur comme Urbike pour, très concrètement, pouvoir déployer des modèles alternatifs, notamment à vélo. C’est ce qui nous a donné envie de nous lancer et de passer des rapports de consultance et des tests pilote à une aventure humaine et entrepreneuriale beaucoup plus concrète.

 

Sur quoi repose votre succès?

Renaud: Un colis peut faire des milliers de kilomètres avant d’arriver à destination. Et pourtant, le dernier kilomètre qu’il va faire dans une ville, jusqu’à son destinataire est parfois le plus coûteux. Il peut représenter jusqu’à 30% voire 50% des coûts de la livraison. Parce qu’en fait le dernier kilomètre, donc la zone urbaine où on doit distribuer, est la zone où il y a le plus de contraintes : congestion, grande diversité d’usagers, infrastructures et routes pas toujours dimensionnées pour des grands véhicules. Améliorer ces derniers kilomètres, c’est améliorer l’efficacité de la livraison mais aussi réduire les externalités négatives des activités de transport. Chaque camionnette, chaque camion qui livre en ville génère de la pollution (CO2, bruit, pollution de l’air, etc.) et potentiellement des accidents.

 

Urbike est une entreprise qui a le statut de coopérative. Qu’est-ce que ça implique?

Renaud: Les bénéfices profitent d’abord à la coopérative et aux travailleurs avant de profiter au capital. L’idée est qu’Urbike doit avant tout grandir en se centrant sur les besoins essentiels des travailleurs et de l’entreprise. Comment continuer à se construire dans un cadre socialement responsable ? Comment s’assurer que notre mission sociétale de transition soit toujours la première, bien avant la distribution des dividendes ou la valorisation des actionnaires ?

 

Votre mission est environnementale mais aussi sociale dans un milieu où les jobs sont souvent précaires…

Renaud: Respecter les travailleurs paraît évident, pourtant, effectivement, il y a énormément de précarisation dans le secteur. Mais on ne le fait pas uniquement par utopie ou considération. Quand on respecte les travailleurs, quand on leur permet de se former en continu, qu’on les écoute, qu’on les intègre dans le projet, qu’ils sont conscients des objectifs, évidemment qu’ils travaillent mieux, évidemment que la qualité de service est plus élevée. On a donc aussi un intérêt économique et business en termes de compétitivité à fournir le meilleur travail possible. Tous nos clients nous disent qu’on est leur meilleur prestataire parce que le travail est de qualité, parce qu’on a un très faible turn over, qu’on a des gens qui sont formés.

 

L’entreprise est-elle rentable?

Renaud: Aujourd’hui, Urbike compte 40 travailleurs et livre 150.000 colis par an. L’objectif, d’ici trois ans, est de quadrupler notre volume d’activité et de tripler nos effectifs. Évidemment, ça ne se fait pas comme ça d’un coup de baguette magique. On doit investir dans les ressources humaines, dans les équipes, dans l’informatique, dans les hubs, dans tout ce qu’on voit derrière moi, en plus grand. Et donc, aujourd’hui, Urbike est en perte parce que l’on doit financer toute cette expansion. Le plan est que d’ici 2025, on réalise un seuil de rentabilité long-terme et on est absolument convaincu que c’est atteignable.

 

Urbike a-t-elle bénéficié d’aides publiques?

Renaud: On a eu une enveloppe financière qui était hyper intéressante et qui nous a permis vraiment de démarrer ce projet dans une démarche de recherche et développement. Ça a été vraiment crucial dans le lancement de l’activité. Ensuite, tout au long de notre parcours, on a beaucoup bénéficié de conseils et d’accompagnements d’organismes comme Hub Brussels. Enfin, en termes de capitalisation, on a aussi reçu le soutien de Finance Brussels.

Au-delà des ressources financières ou infrastructurelles dont une entreprise peut bénéficier de la part du secteur public, les entreprises comme les nôtres ont besoin d’une vision et d’un cap. On a besoin d’une politique extrêmement claire. Je pense à la Shifting Economy à Bruxelles. D’un point de vue économique, quel est l’avenir de nos entreprises à Bruxelles ? Quel est l’avenir de l’économie ? Se reposer sur une vision, ça nous donne de la crédibilité, de la visibilité et ça, c’est vraiment important.

 

Pourquoi fais-tu ça?

Renaud: On est tous conscients des enjeux d’urgence à des degrés différents mais, moi, personnellement, me sentir utile pour une mission qui est beaucoup plus grande que moi, sentir que je contribue très concrètement à la transition écologique et économique, au fait que j’essaie de contribuer à un projet qui veut créer de l’emploi local, qui veut aussi reconscientiser les travailleurs par rapport à leur pouvoir dans les entreprises, ce sont autant d’ingrédients qui, tous les jours, sont incroyablement exaltants et enthousiasmants.

J’aurais presque envie d’inviter tous les travailleurs qui sont en manque de sens et qui se questionnent sur “À quoi je passe mon temps ? Oui, peut être que j’ai un très beau salaire et un certain nombre d’avantages, mais est-ce que ça fait le poids contre une activité professionnelle où tous les jours on a l’impression d’être utile, tous les jours on a l’impression d’être fier, de se dire ok, j’ai fait quelque chose qui me construit, avec lequel je suis 100 % aligné.”

C’est trop bien de voir qu’on a été le déclencheur d’un projet qui nous dépasse et qui donne de l’emploi.

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