Entrepreneur·euses de la transition économique (6/7). La transition économique, c’est répondre à des buts environnementaux (moins de CO2, moins de déchets, moins de ressources, etc.) et sociaux (emplois de qualité, bien-être au travail, etc.). Difficile de faire mieux que Restor par rapport à ces objectifs. Cette société coopérative collecte les encombrants dans les recyparcs et chez des particuliers dans le Brabant wallon. Après triage, la plus grande partie sera prise en charge par Recupel pour être recyclée. Mais une partie est revendue dans deux magasins de seconde main (ressourceries de Tubize et Genappe), après avoir été réparée sur place dans le cas du “gros électro”, principalement des machines à laver. Née il y a 20 ans, l’entreprise a créé une vingtaine d’emplois. “Il y a une activité économique qui sert du social et de l’environnemental. L’objet environnemental est de collecter un maximum d’objets qui, à l’origine, étaient pour la poubelle et qui vont passer dans des filières les plus vertueuses possibles. Donc d’abord le réemploi et ensuite le recyclage. Outre la création d’emploi, l’objectif social est aussi de rendre accessible des objets de qualité à des personnes qui ont peut-être moins de moyens”, présente Matthieu Bonaventure, le coordinateur, pour qui nous avons plusieurs questions.

Derrière Restor, il y a une société coopérative. Quelle est la différence avec une société classique?

Matthieu Bonaventure : Ceux qui détiennent la coopérative sont appelés les coopérateurs. Dans le cas de R.APP.EL (le vrai nom de l’entreprise, Restor est le nom commercial), ce sont des CPAS, des communes, des indépendants mais aussi les travailleurs eux-mêmes. Les travailleurs sont propriétaires en quelque sorte de leur entreprise. Et ça veut dire aussi qu’ils participent à l’assemblée générale. Il y a neuf travailleurs qui y sont pour l’instant. Ce n’est pas une association sans but lucratif (asbl), on a une vocation à faire du lucre. Mais les bénéfices qui vont être dégagés sont réinvestis entièrement dans l’entreprise, principalement en vue de créer de l’emploi pour des personnes qui sont éloignées du marché de l’emploi. Les personnes engagées ici sont presque toutes des personnes qui au départ avaient des difficultés, que ce soit par un bagage social ou par des des compétences qui n’y étaient pas. Et donc la formation il y a une formation en interne permet d’acquérir ces compétences et donc de grandir.

La plupart des travailleurs de Restor se partagent principalement entre des tâches de collecte d’encombrants et puis de réparation du gros électro en atelier. Entre 800 et 1000 machines sont réparées chaque année avant d’être proposées au tiers du prix neuf. Elles sont vendues très rapidement. Seul un petit pourcent des machines qui sont collectées est réparé et revendu. Avec plus de techniciens, davantage d’appareils pourraient être revalorisés. “Évidemment, si on avait deux ou trois personnes en plus, on pourrait dépasser les 1000 machines par an aisément. On aimerait bien faire plus puisque le but de la société est justement de créer de l’emploi”, explique Marco Laïs, le chef de l’atelier. Mais celui-ci affiche une grande satisfaction. “On a démarré avec rien en 2003 et depuis on a quand même créé une vingtaine d’emplois stables à durée indéterminée”, s’enorgueillit-il.

Recevez-vous des aides publiques?

Oui, elles couvrent un peu moins de 15% de notre chiffre. Nous sommes une entreprise d’insertion agréée, donc on reçoit des subsides à l’emploi. On a aussi des aides à l’emploi dans le cadre de l’agrément réutilisation. Il y a également un subside pour la vente d’objets utilisés.

Qu’attends-tu du pouvoir politique?

Matthieu Bonaventure :

1. Plus d’aides à l’emploi

La nouveauté, parfois, est un leurre. C’est un avis personnel : on aurait à gagner à faire plus ce qu’on fait déjà. Par exemple, nous avons une aide à l’emploie. Qu’on nous l’augmente. Cela nous permettrait d’augmenter la partie réutilisation. On doit d’abord privilégier le réutilisation, ensuite le recyclage et puis la valorisation énergétique et puis la mise au rebut. Notre objectif est d’aller vers le plus de réutilisation possible et pour ça, pour pouvoir le faire encore mieux, il est clair qu’avoir un soutien serait tout à fait utile.

2. Simplification administrative

On passe encore trop de temps aujourd’hui à justifier ce qu’on fait. Ce n’est pas parce que l’informatique s’est très bien développé qu’on passe, au final, moins de temps à se justifier.

3. Marchés publics

Il y a des clauses d’économie sociale mais elles sont très peu utilisées. Que ces clauses soient effectivement d’application nous permettrait de travailler beaucoup mieux. On pourrait même imaginer avoir des clauses environnementales dans les marchés publics, ce serait une avancée majeure au niveau du développement durable.

Tout le monde connaît l’essor incroyable des plateformes de vente d’objets en seconde main comme 2ememain.be, le Marketplace de Facebook ou encore Vinted pour les vêtements. Comment sont-ils perçus par Matthieu ?

Matthieu Bonaventure : Elles ont permis de rendre terriblement populaire la seconde main. Je crois qu’aujourd’hui il n’y a vraiment plus aucun frein, on voit tous les publics qui passent ici et des choses qu’on n’arrivaient pas à se vendre auparavant se vendent désormais facilement. Donc ça, c’est un gros avantage. Maintenant, il faut voir comment ça va se développer dans le futur. Est-ce que ça va nous concurrencer à tel point que l’on n’arrivera plus à vendre ? C’est à voir.

Notre atout est que nous créons d’emplois. Pas ces entreprises qui s’adressent de particulier à particulier.

Pourquoi fais-tu tout ça ?

Matthieu Bonaventure : Pour moi, aujourd’hui, dans la société où on vit, avec les enjeux qui nous attendent, avec la planète sur laquelle on vit, c’est inconcevable de travailler à quelque chose qui soit nocif à l’environnement et à la société humaine. Et ça laisse finalement relativement peu de choix. Je crois qu’il y a aujourd’hui énormément de projets verts entre guillemets, où on verdit ou socialise certaines activités à dose homéopathique. Ici, j’ai vraiment l’impression d’être au centre et c’est ça qui me motive.