Gramitherm fabrique des panneaux d'isolation à base d'herbe: "Développons l'industrie verte, de façon massive"
Entrepreneur·euses de la transition économique (3/7). À celles et ceux qui pensent qu’une économie plus verte ne peut franchir le cap de l’industrialisation, une petite entreprise en pleine croissance établie à Auvelais dans la commune de Sambreville, apporte un démenti. Stimulée par les besoins d’isolation du bâti en Wallonie, sa production devrait rapidement augmenter. Locale et pleinement inscrite dans une économie circulaire, Gramitherm Europe constitue un enthousiasmant exemple d’activité industrielle vertueuse. Fier de son projet, Christian, le directeur général, nous a emmenés sur la ligne de production installée dans un immense bâtiment industriel rénové qui a repris vie.
Que produisez-vous et en quoi participez-vous à la transition économique?
Christian Roggeman: Ici, on produit le premier panneau isolant thermique fait à base de fibres d’herbe.
Gramitherm est durable pour trois raisons.
1. Matière première
On fabrique nos panneaux avec de la fibre d’herbe, de l’herbe naturelle ui vient des canaux, de l’entretien des zones humides, des aéroports, etc. C’est une biomasse perdue et Gramitherm lui donne un destin : être transformée en panneaux d’isolation thermique.
2. Peu énergivore
On utiliser très peu d’énergie grise (énergie nécessaire pour fabriquer un bien) pour faire ces panneaux. Pour nos panneaux, l’herbe va passer deux minutes dans des fours à 160 degrés. Alors que que pour les panneaux en laine minérale, ils vont brûler du sable, de la roche, à très haute température pendant de longues durées. La hausse des prix de l’énergie joue donc en notre faveur.
Par ailleurs, dans le traitement de l’herbe, on va séparer le liquide du solide. Le solide servira à faire le panneau, le liquide part en station de biométhanisation pour produire du biogaz. On va pouvoir réutiliser la chaleur issue de la combustion du biogaz pour sécher notre fibre d’herbe.
Autrement dit, on a une matière première qui n’est pas cultivée, que la nature nous donne et on va valoriser toutes les parties de cette biomasse pour réellement présenter un bilan carbone négatif : un kilo de panneaux Gramitherm piège 1,5 kilo équivalent de CO2.
3. Recyclage
On recycle les panneaux qui ne sont plus utilisés et les découpes des panneaux sur chantier. Ils vont être rebroyés et resservir pour faire de nouveaux panneaux.
Quelles sont les perspectives?
Christian Roggeman: Aujourd’hui, on est une petite vingtaine de travailleurs. On prévoit cette année de passer à une deuxième équipe de production puisque la demande suit maintenant bien. Et donc, en fin d’année, on aura à peu près 30 personnes.
La croissance de Gramitherm va se produire aussi en dehors de son territoire puisqu’on est sur des modèles où on s’exporte mal, on transporte mal des panneaux sur des longues distances. C’est l’exemple parfait de la nouvelle économie biosourcée : on est impliqué dans une région, dans un éco-concept régional. Et quand on veut faire de la croissance, on va monter d’autres usines et d’autres développements industriels ailleurs, près des marchés, près des ressources. Aujourd’hui, tous les gens que vous avez vus sur sur la ligne viennent à cinq six kilomètres à la ronde de l’usine. Il est important dans le biosourcé de travailler avec éthique.
Quel rôle doit jouer le pouvoir politique, les autorités publiques, dans le développement d’entreprise comme la vôtre?
Christian Roggeman: Dans la massification de cette rénovation thermique, les solutions viennent de l’industrie. Ce n’est pas le monde politique qui va mettre en place de nouvelles solutions, les produire et les valider. Dans le monde du bâtiment, ce sont les industriels qui prennent leurs responsabilités, comme nous, comme nos confrères. On y va, on travaille, on délivre.
Le monde politique doit intervenir à deux niveaux. Premièrement, au niveau supranational, donc au niveau européen, il faut des plans de rénovation de l’industrie verte, un vrai green deal industriel qui nous aide à pouvoir aller beaucoup plus vite dans le développement industriel et la présence de nos solutions sur les marchés.
Ensuite, il y a le niveau régional. Il y a une obligation du monde politique d’accompagner ces solutions pour les bâtiments qui sortiront de terre maintenant et dans les 30 prochaines années. Les élus doivent avoir un rôle de booster pour mettre en avant ces solutions et pour les utiliser. Ne pas uniquement en parler, mais le faire.
Donc, qu’on nous aide au niveau de l’Europe, à aller beaucoup plus vite et à pouvoir embrayer sur le schéma américain. Développons cette industrie verte, mais de manière maintenant massive.
Nous, petits industriels, sommes prêts pour cette rénovation thermique à grande échelle. On aimerait bien maintenant vraiment que les projets se fassent et que les biosourcés soient prescrits dans des chantiers publics. Pourquoi les grandes villes wallonnes n’appuieraient-elles pas sur le bouton vert des produits biosourcés dans leurs projets de rénovation et n’arrêteraient pas de consommer des produits de vieille génération issus de la vieille industrie chimique ? On est prêts, on a les produits et les solutions. Donc ce que l’on attend maintenant du monde politique, c’est que les actes suivent leurs paroles.
Quel est le principal frein à la transition économique?
Christian Roggeman: L’inertie du marché du bâtiment. Le client est de plus en plus convaincu et informé de la validité et de la valeur ajoutée qu’apporte notre produit. Mais parmi les bureaux de contrôle, les constructeurs, les promoteurs, bon nombre sont encore dans un raisonnement du passé et doivent maintenant se projeter très vite vers les nouvelles solutions.
Pourquoi faites-vous tout ça?
Christian Roggeman: C’est important de créer de la valeur. Dans les 30 dernières années, on a passé pas mal de temps à créer de la valeur, mais en ne se posant pas toujours les bonnes questions : à quoi ça va servir ? Quel va être l’impact ? Etc. Ici, on fait le chemin inverse : on crée un produit qui doit effectivement avoir un impact positif pour la planète. On le fait parce qu’on a besoin de décarboner, on le fait parce qu’on a besoin de donner du sens à nos activités. Et aujourd’hui, on est tout petits et on voit des gens de talent qui arrivent. Ils pourraient avoir des rémunérations supérieures dans des grands groupes mais ils viennent par conviction, parce qu’ils ont envie de travailler un produit qui donne du sens à leur vie professionnelle et dont ils sont fiers.