Le Millefeuille, un café écoresponsable: "Montrer aux gens que ce n'est pas si compliqué de rentrer dans un mode durable"
Entrepreneur·euses de la transition économique (4/7). “Ce qui me touche le plus, ce sont les très petites entreprises, surtout celles tenues par des femmes qui, la plupart du temps, sont des initiatives durables et responsables sur le plan environnemental. Pour moi, c’est le plus touchant”, nous confiait récemment Barbara Trachte, la secrétaire d’État bruxelloise à la Transition économique. Nous sommes partis à la rencontre de plusieurs de ces entrepreneuses. Clémentine est l’une d’entre elle. Cette ancienne journaliste a ouvert il y a quelques années le Millefeuille, un café littéraire écoresponsable à Ixelles. Après nous avoir laissé manger un délicieux bagel aux humus et légumes grillés et avant que nous emportions l’une de ses grandes spécialités sucrées, son exceptionnel shortbread, nous avons écouté son histoire et ses convictions.
(Si vous préférez voir et entendre plutôt que lire, la vidéo est au bas de l’article)
Comment est né le Millefeuille?
Clémentine Dubuisson : J’adorais mon boulot, mais j’avais besoin de quelque chose en plus. J’ai toujours été fan des livres, par ma mère qui m’a amenée à la lecture très vite quand j’étais jeune. J’avais pensé d’abord à une librairie, mais je voulais mêler le plaisir culinaire et le plaisir de la lecture. Et donc je me suis dit : “Un café littéraire”. Mais avec le côté écoresponsable, parce que je crois qu’il est temps que tout le monde fasse un petit geste pour la planète.
Je crois que notre rôle est vraiment de montrer aux gens que ce n’est pas si compliqué de rentrer dans un mode durable, ça demande quelques petites adaptations
En quoi ton établissement s’inscrit-il dans la transition économique?
Clémentine Dubuisson : De plusieurs manières. D’abord, les livres sont de seconde main. On rachète et revend principalement des romans en format poche, parce que c’est ce qui fonctionne le mieux et vraiment dans tous les styles. C’est de la réutilisation, on est donc dans une économie circulaire.
Ensuite, le plus important, c’est la nourriture. Tous mes plats sont cuisinés avec des produits locaux et de saison. Par exemple, tous les jours on a une assiette végétarienne, et tout est cuisiné à partir de légumes de saison. Aujourd’hui, c’est un mafé. C’est un plat exotique mais on peut le cuisiner à base de produits de saison auxquels on rajoute quelques petites épices qui changent la donne. On a des fournisseurs qui viennent de Bruxelles et du Brabant wallon, on essaye de faire tourner le plus possible l’économie locale. Nos brasseries sont saint-gilloises, notre fournisseuse de thé vient de Soignies, etc.
La majeure partie de notre mobilier et la vaisselle sont de récup’.
Pour les plats à emporter, on propose des contenants réutilisables en verre. Le client paye juste une fois 2,50 €. Cela limite énormément les emballages, les déchets, on n’en a quasiment pas. Au début, les clients étaient un peu réticents parce qu’il faut payer, mais en fait, ils se rendent compte que c’est super pratique.
On essaye de gaspiller le moins possible. Par exemple, l’assiette de légumes, une fois que la journée est terminée, plutôt que de la jeter, je la transforme en soupe, par exemple pour le lendemain ou le surlendemain. Aussi, on essaye parfois d’utiliser les pelures de légumes pour les retravailler et les cuisiner.
Je crois que notre rôle est vraiment de montrer aux gens que ce n’est pas si compliqué de rentrer dans un mode durable, ça demande quelques petites adaptations. Cela demande de réapprendre aussi. Par exemple, on cuisine souvent des topinambours, des panais, des rutabagas, tous ces vieux légumes qu’on n’avait plus l’habitude d’utiliser mais qui sont très simples donc. C’est hyper local, de saison en hiver et c’est des légumes super bons pour booster les défenses immunitaires. Donc ça c’est nickel !
Avez-vous bénéficié d’aides publiques?
Clémentine Dubuisson : À Bruxelles, il y a beaucoup d’aides pour les jeunes entrepreneurs. On a été notamment suivi par Village Partenaire, un guichet d’économie local à Saint-Gilles qui est spécialisé dans le côté écoresponsable. Ils nous ont aidé à monter un plan financier, un business plan hyper costaud. Après, on a été jusqu’aux gens du service régional Hub Brussels. Eux, ils sont plus carrés, mais ils donnent des directions fortes et nous aident aussi à obtenir la première bourse qui est Open Soon et qui nous aide à avoir les neuf premiers mois de loyer gratuit, ce qui aide beaucoup.
On a aussi eu droit à la bourse Be Circular qui est accordée aux commerces écoresponsables, c’est une bonne bourse de 5 000 € qui aide vachement aussi au début.
Et puis pendant le Covid, on a eu plusieurs aides de la Région, peut être pas toujours suffisantes, mais on les a eus quand même.
Qu’attendez-vous du pouvoir politique?
Clémentine Dubuisson: D’abord une aide pour les factures énergétiques. On sort de deux ans de Covid. Pour l’horeca, c’était déjà une catastrophe, et on arrive dans une crise énergétique et, malheureusement, à l’heure actuelle, les commerçants ne reçoivent aucune aide au niveau des factures d’électricité et de gaz. Et pourtant on est des gros consommateurs. Même si justement on essaye de réduire notre empreinte écologique, des appareils comme les frigos, on en a besoin et ça consomme énormément. Nos factures ont triplé et on a des régularisations qui sont horribles.
Ensuite, un avantage fiscal à proposer des produits écoresponsables. On est très fort taxés alors qu’on a des produits qui ne sont pas non plus les plus rentables du monde. On essaie de garder un prix pour les clients qui soit raisonnable. Donc malheureusement, on doit rogner sur nos marges et ça devient compliqué de dégager des salaires par exemple. Si, en vendant des produits écoresponsables, on était moins taxés, ça nous aiderait grandement.
Pourquoi faites-vous tout cela?
Clémentine Dubuisson : Je voulais que les gens se rendent compte que, vraiment, au quotidien, quelques petits gestes peuvent changer la donne. Alors je sais qu’on n’est pas des grosses entreprises qui sommes hyper polluantes, donc nos petits gestes peuvent paraître dérisoires. Mais après, si on n’en fait pas tous un peu, je ne sais juste pas où on ira…