28. Une politique migratoire apaisée, respectueuse des droits fondamentaux

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28.1. Mettre en place une politique migratoire apaisée, gérée de manière humaine, raisonnable et rationnelle.

Les politiques migratoires concernent des femmes et des hommes, et non pas des machines ou des produits. Cela appelle respect et souci de la dignité humaine, alors que la réponse face à ces enjeux est trop souvent faite de violence et de cynisme, mais d’irrationalité.

Depuis plusieurs années, la politique migratoire est mal gouvernée et déconnectée des réalités. Elle est devenue l’objet d’un réflexe électoraliste constant. De plus en plus, la migration est vue comme un phénomène à combattre ou à contenir. Nous voulons au contraire gérer la migration de manière humaine, rationnelle, sans préjugé. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

En effet, par pure idéologie, dans de nombreux secteurs d’activité (construction, soins de santé, aux personnes âgées ou en situation de handicap, horeca…), des entreprises manquent de personnel alors qu’un grand nombre de personnes étrangères compétentes présentes en Belgique ne peuvent occuper ces jobs pour la seule raison qu’elles sont sans-papiers. Aujourd’hui encore, plusieurs milliers de demandeurs et demandeuses d’asile doivent se débrouiller pour dormir, passant parfois plusieurs nuit à la rue avant de trouver un hébergement. Aujourd’hui, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont sans-papiers en Belgique alors qu’elles y habitent parfois depuis 20 ans. Il existe des alternatives mutuellement constructives entre l’expulsion bête et coûteuse et le maintien dans la clandestinité.

Nous ferons en sorte que la migration soit gérée sereinement, que ce soit au niveau européen ou au niveau belge, tant en termes de politique d’asile que de politique de séjour ou de retour.

28.2. Renforcer, élargir et sécuriser les voies d’accès sûres et légales au territoire de l’Union européenne, en renforçant les moyens des sauvetages en mer, en garantissant la non-criminalisation de la solidarité et en permettant l’obtention de visas en vue d’une protection internationale depuis le pays d’origine ou de transit et de visas de long séjour.

Les décès de migrant·es tentant d’accéder au territoire européen doivent cesser. Pour ce faire, l’Europe doit élargir et faciliter les voies légales d’accès au territoire européen afin d’éviter que les personnes migrantes ne risquent leur vie pendant leur parcours d’exil et de casser le monopole des trafiquant·es. Cela passe par plusieurs actions :

  • Il faut offrir la possibilité aux personnes fuyant des conflits, des persécutions ou des catastrophes naturelles d’obtenir des « visas en vue de protection internationale » depuis le pays d’origine ou un pays de transit ;
  • Les États membres et l’Union européenne doivent renforcer les sauvetages en mer, en prévoyant les moyens financiers, logistiques et humains pour organiser eux-mêmes ces sauvetages et permettre aux personnes sauvées de déposer une demande de protection internationale en Europe ;
  • Les ONG, les actrices et acteurs humanitaires et de la société civile œuvrant à la solidarité avec les exilé·es doivent pouvoir travailler librement. Il faut pour cela élaborer un cadre commun contraignant au niveau européen de non-criminalisation de la solidarité ;
  • Il faut assouplir les conditions d’accès au territoire et les conditions d’octrois de visas long séjour pour migration économique, académique ou familiale.

28.3. Défendre le respect des droits fondamentaux des migrant·es aux frontières de l’Europe, en mettant fin aux pushbacks illégaux, en faisant respecter le respect du principe de non-refoulement, en assurant un monitoring de l’agence Frontex par des ONG et en garantissant un accès inconditionnel à l’aide juridique.

Les frontières extérieures de l’UE et l’agence Frontex doivent être monitorées en tout temps par des ONG reconnues, par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) et par l’Agence de l’UE pour l’Asile (EUAA) afin de s’assurer que les droits fondamentaux de tou·tes les migrant·es y soient respectés, et en premier lieu le droit de demander l’asile et le principe de non-refoulement. Dans cette optique, nous voulons agir dans les directions suivantes :

  • Nous continuerons à œuvrer pour la mise en place d’un mécanisme de contrôle indépendant à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’Union européenne pour prévenir les pushbacks. L’argent européen ne peut être utilisé pour construire une Europe forteresse, entourée de murs ;
  • Il faut mettre fin aux accords sur le contrôle migratoire avec des États-tiers ne respectant pas les standards européens en termes de droits fondamentaux ;
  • Aucune réforme des règlements ou des directives européennes ne peut avoir pour effet de diminuer la qualité des procédures d’asile. Elles doivent en tout état de cause respecter les droits fondamentaux des migrant·es, notamment en ce qui concerne un accès inconditionnel à l’aide juridique et aux droits de la défense ;
  • La détention de migrant·es aux frontières ne peut jamais devenir systématique, et la fiction de non-entrée, prévue dans la version actuelle du Pacte migratoire en discussion au sein de l’Union européenne, doit être supprimée ;
  • Les agences européennes pour les droits fondamentaux et pour l’asile doivent être dotées de moyens suffisants pour remplir leurs missions, et les États membres ne peuvent leur refuser l’accès ;
  • Le Parlement fédéral doit pouvoir organiser régulièrement l’audition des représentant·es belges de Frontex et des agences européennes susmentionnées, pour pouvoir exercer un contrôle sur leurs actions.

28.4. Plaider, au niveau européen, pour des standards d’accueil élevés et communs des demandeurs et demandeuses d’asile, pour une réforme fondamentale du Règlement Dublin III, pour davantage de solidarité entre les États membres, et pour un accès plus grand des réfugié·es reconnu·es à la mobilité et à l’installation intra-européenne.

Tou·tes les demandeuses et demandeurs d’asile doivent recevoir un accueil digne et selon des critères de qualité uniformes dans l’UE.

Les mécanismes de réinstallation et de relocalisation des réfugié·es doivent être renforcés.

Le Règlement de Dublin doit être fondamentalement réformé et remplacé par la mise en place aux frontières européennes d’un système de répartition des demandeurs et demandeuses d’asile, avec comme critère principal et prépondérant la prise en compte du choix de l’exilé·e et des liens familiaux dans le cadre d’une solidarité obligatoire entre États membres.

L’obtention du statut de réfugié·e dans un État membre doit permettre aux migrant·es, après une courte période d’intégration (1 an), de circuler, travailler et s’installer librement dans l’ensemble des États membres de l’UE, de la même manière que les citoyen·nes UE (actuellement impossible avant plusieurs années). Cela permettra également d’éviter les « mouvements secondaires » entre États membres. Cette proposition doit être étendue à tou·tes les citoyens et citoyennes d’États-tiers qui ont un long séjour dans un État membre de l’Union européenne.

28.5. Renforcer la politique d’accueil et d’aide des mineures étrangères et mineurs étrangers non accompagné·es, en prenant en compte la vulnérabilité spécifique liée à leur jeune âge.

Nous réformerons entièrement la procédure de détermination de l’âge des MENA (mineur·es étranger·es non accompagné·es), en prônant une approche holistique et non centrée uniquement sur un test médical dont la fiabilité scientifique est largement remise en cause.

Nous renforcerons les moyens nécessaires à la scolarisation des MENA dans les DASPA (Dispositif d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivant·es et Assimilé·es) et au fil de leur scolarité.

Nous soutiendrons les possibilités de formation pour les jeunes adultes.

Nous revaloriserons le rôle fondamental des tuteurs et tutrices de MENA.

Nous renforcerons les moyens destinés à l’aide à la jeunesse pour la prise en compte des besoins spécifiques des mineurs étrangers et mineures étrangères, et nous favoriserons à cet égard une meilleure collaboration entre les différents niveaux de pouvoir.

28.6. Assurer en toutes circonstances un accueil et un accompagnement complet de qualité des demandeurs et demandeuses d’asile, notamment en prévoyant des places « tampons » en suffisance, en assurant un équilibre équitable entre les centres d’accueil collectifs et les mécanismes d’accueil individualisé, en préparant un plan de répartition obligatoire entre l’ensemble des communes et en favorisant l’intégration socio-professionnelle des demandeurs et demandeuses d’asile en cours de procédure.

Nous voulons assurer en toutes circonstances un accueil et un accompagnement complet de qualité des demandeurs et demandeuses d’asile, en mettant en œuvre les mesures suivantes :

  • Des places « tampons » doivent être conservées en suffisance, avec des financements adéquats afin de pouvoir assurer un nombre suffisant de places, même en cas d’augmentation du nombre de demandes d’asile ;
  • Un équilibre doit être assuré entre les centres d’accueil collectifs, les initiatives locales d’accueil et les logements individuels afin que l’accueil soit adapté aux besoins de chaque demandeuse ou demandeur d’asile ;
  • Les structures d’accueil doivent être équitablement réparties entre les différentes communes du pays. En contrepartie, un financement suffisant et prévisible doit être garanti aux pouvoirs locaux pour assurer les tâches qui leur incombent et participer à la bonne intégration des structures dans le paysage local ;
  • Un plan de répartition obligatoire entre l’ensemble des communes du pays doit être préparé, et immédiatement activé au cas où le nombre de demandes d’asile augmente fortement ;
  • Il faut organiser des lieux d’accueils spécifiques et des safe spaces pour les publics vulnérables (fragilités psychologiques ou psychiatriques, femmes, enfants, adolescent·es, Centre LGBTQIA+ friendly, exilé·es en situation de handicap, etc.
  • L’inclusion et l’intégration des demandeurs et demandeuses de protection internationale doivent être facilitées durant leur procédure. Les demandeurs et demandeuses d’asile doivent pouvoir travailler légalement en Belgique après deux mois de procédure (au lieu de quatre actuellement) et doivent pouvoir introduire une demande de titre de séjour basé sur le travail (permis unique ou carte professionnelle) depuis la Belgique après six mois de procédure.

28.7. Lutter contre la traite des êtres humains et améliorer la protection des victimes, notamment en s’assurant qu’aucune personne étrangère qui serait victime de traite ne soit arrêtée au moment où elle porte plainte, et en créant un statut de séjour pour les victimes d’exploitation économique aggravée.

Dans la droite ligne des travaux de la commission parlementaire spéciale consacrée à la traite et au trafic des êtres humains, mise en place sous la législature précédente, le système de protection des victimes de traite existant en Belgique doit être renforcé et élargi, afin notamment de s’assurer qu’aucune personne étrangère qui serait victime de traite ne soit arrêtée au moment où elle porte plainte. De manière générale, toute personne étrangère doit pouvoir bénéficier de la protection des autorités belges (et ne pas craindre d’être arrêtée) lorsqu’elle se présente à celles-ci en tant que victime de traite ou d’exploitation économique aggravée.

Dans cette perspective nous voulons mettre en place les mesures suivantes :

  • Nous ne ferons plus dépendre l’octroi d’un droit de séjour aux victimes de traite de l’issue de l’enquête pénale ;
  • Nous renforcerons les moyens consacrés à l’accueil correct et sécurisé des victimes de traite des êtres humains, majeur·es et mineur·es ;
  • Nous créerons un statut de séjour pour les victimes d’exploitation économique aggravée ;
  • Nous défendrons les droits des victimes de la criminalité forcée.

28.8. Favoriser l’intégration des migrant·es, élargir les possibilités de formation professionnelle quel que soit le droit ou le titre du séjour de la personne migrante, faciliter les mécanismes de reconnaissance de l’équivalence des diplômes, et renforcer encore la qualité des parcours d’intégration mis en place au niveau des Régions et des Communautés.

Les politiques d’intégration doivent être respectueuses des droits fondamentaux des migrations, et contribuer à ce que tous les talents puissent positivement s’exprimer au sein de notre société.

Dans cette perspective :

  • Nous reverrons en profondeur la procédure de reconnaissance de l’équivalence des diplômes, en inversant la logique à l’œuvre et en favorisant l’examen des compétences plutôt que de l’identité parfaite des cursus suivis. Nous accélérerons les délais de traitement, supprimerons les lourdeurs administratives existant aujourd’hui, et nous allégerons de manière importante les frais afférant à ces procédures, qui constituent trop souvent un obstacle pour un grand nombre de migrant·es ;
  • Nous réduirons les droits d’inscription spécifiques réclamés aux étudiant·es issu·es d’un État hors Union européenne ;
  • Nous créerons un programme spécifique d’accueil des chercheurs et chercheuses en péril ;
  • Nous favoriserons l’accès des migrant·es à la formation professionnelle, quel que soit leur statut de séjour ;
  • Le droit de séjour d’une année pour recherche d’emploi pour les étudiants non-belges ayant terminé leur cursus en Belgique (obtenu sous la législature précédente) doit réellement leur permettre de transformer l’essai : le niveau de revenus exigé comme travailleuse ou travailleur hautement qualifié doit être diminué, et le critère d’octroi d’un séjour doit être lié au fait d’avoir introduit une demande de permis unique ou de carte professionnelle dans l’année, et non d’avoir obtenu une décision sur cette demande dans l’année ;
  • Les parcours d’intégration des primo-arrivant·es au sein des Régions et des Communautés doivent maintenir une offre suffisante tout en renforçant encore la qualité des formations dispensées.

28.9. Introduire davantage de circularité et de flexibilité dans les politiques migratoires, faciliter l’obtention de visas à multiples entrées et supprimer l’infraction pénale de séjour illégal.

Il est tellement difficile d’entrer dans une Europe-forteresse, que les politiques migratoires, dont les politiques de retour, sont vouées à l’échec. Tant que perdurera une vision statique de la migration, pensée dans une logique de fermeture maximale, aucune gestion apaisée et sereine du phénomène migratoire ne pourra voir le jour.

C’est la raison pour laquelle la migration doit devenir « circulaire ». Les politiques migratoires doivent apporter un cadre fluide, flexible, à long terme et continu, de mobilité humaine entre pays.

Dans cette optique, nous proposons les actions suivantes :

  • Il faut faciliter l’obtention de visas et donner aux migrant·es qui devraient quitter la Belgique des perspectives de retour possible ;
  • Il faut allonger la durée des visas octroyés ;
  • Il faut permettre et favoriser l’obtention de visas à multiples entrées, les allers-retours entre la Belgique et les pays d’origine, ainsi que rendre possible une alternance entre différents types de séjour de court, moyen ou long terme ;
  • Nous supprimerons l’infraction pénale de séjour illégal. Migrer n’est pas un crime. Pénaliser le séjour irrégulier alors que ce sont les politiques publiques qui créent de l’illégalité en ne prévoyant pas suffisamment de voies légales de migration ou de possibilités de régulariser son séjour n’est pas acceptable.

28.10. Faciliter les parcours des migrant·es en Belgique et supprimer les trop nombreux obstacles ralentissant ou empêchant l’accès à un statut de séjour légal, notamment en accélérant les délais de traitement de toutes les demandes de séjour ou de renouvellement de titres de séjour, et en autonomisant le séjour des membres de la famille bénéficiant du regroupement familial, singulièrement des femmes.

La Belgique doit faciliter les voies légales d’accès et de séjour sur son territoire. L’arbitraire administratif qui existe dans les décisions de refus de visa doit être aboli, et des critères clairs d’octroi de visas doivent être établis, tout en permettant à l’administration de conserver un pouvoir discrétionnaire encadré.

Toutes les procédures de demandes ou de renouvellement de titres de séjour (étude, travail, regroupement familial, etc.) depuis la Belgique ou le pays d’origine doivent être accélérées et, a minima, les délais légaux de traitement doivent être respectés par l’Office des Étrangers et les communes. En cas de dépassement du délai, une issue favorable doit être donnée à la demande.

Il faut autonomiser le séjour des membres de famille bénéficiant du regroupement familial, singulièrement des femmes. Les femmes migrantes victimes de violence conjugale doivent pouvoir communiquer plus facilement les violences dont elles sont victimes à l’Office des Étrangers en vue de conserver leur titre de séjour. Il faut également qu’elles puissent conserver leur droit de séjour alors qu’elles sont encore en cours de procédure et qu’aucune décision définitive n’a encore été prise sur leur demande de séjour.

28.11. Appliquer une politique de régularisation transparente, basée sur des critères clairs, fixés dans la loi.

Le cadre dans lequel la migration est pensée est aujourd’hui tellement absurde et irrationnel que l’on met en œuvre des politiques publiques qui produisent elles-mêmes de l’illégalité. Il faut arrêter cette « fabrique à sans-papiers » et changer radicalement de modèle. Aujourd’hui, trop de gens vivent encore aux marges de la société, sans statut, sans protection, sans droits, victimes de ces politiques publiques contre-productives. Il est urgent de faire sortir ces personnes de telles situations. C’est la raison pour laquelle nous voulons engager, sur base de critères objectifs, un processus de régularisation des sans-papiers, basé sur les principes suivants :

  • En plus de la possibilité de régulariser des personnes migrantes pour des raisons humanitaires (pouvoir discrétionnaire), des critères clairs de régularisation des sans-papiers doivent être fixés dans la loi ;
  • La procédure régularisation sur base médicale doit être réformée, notamment via les mesures suivantes :
    • Introduction d’un délai légal de traitement ;
    • Introduction de la possibilité pour l’étranger ou l’étrangère de se faire entendre par la ou le médecin-conseil ;
    • Les recours ouverts contre une décision de refus doivent être suspensifs et de plein contentieux, afin de pouvoir faire valoir de nouveaux éléments devant le juge.
  • Le fait d’avoir un travail ou une promesse d’embauche doit être un de ces critères. Régulariser les travailleurs et travailleuses sans-papiers, c’est aussi renforcer le financement de la sécurité sociale et lutter contre le dumping social en faisant en sorte que le droit du travail soit respecté.
  • La redevance administrative qui doit être payée pour introduire une demande de régularisation humanitaire doit être supprimée.

28.12. Faciliter la migration économique, tant pour les personnes se trouvant déjà en Belgique que pour les personnes se trouvant à l’étranger, et permettre aux étrangers et étrangères se trouvant sur le territoire d’introduire une demande de permis unique ou de carte professionnelle depuis la Belgique.

Il faut mettre en place des procédures de séjour basées sur des critères objectifs liés au travail. L’emploi illégal entraîne des conséquences très négatives, qu’il s’agisse de concurrence néfaste entre travailleuses ou travailleurs déclarés et travailleuses ou travailleurs employés illégalement, d’atteintes aux droits des travailleurs et travailleuses et de risques d’exploitation, mais également de pertes pour les finances publiques. Dans cette optique, nous formulons les propositions suivantes :

  • Les personnes étrangères doivent pouvoir introduire une demande de titre séjour basé sur le travail (permis unique ou carte professionnelle) depuis l’étranger ou depuis la Belgique, quelle que soit leur nationalité et leur statut administratif. Les Régions et l’État fédéral doivent s’entendre pour faciliter l’octroi de permis uniques pour les personnes étrangères, en particulier pour les métiers en pénurie et les fonctions critiques ;
  • Les titres de séjour basés sur le travail ne doivent pas être liés à un seul employeur ou une seule employeuse, mais donner un accès plus large au marché du travail. A minima, en cas de perte de son travail ou de problème avec son employeuse ou employeur, un délai raisonnable doit être laissé à la personne étrangère pour retrouver un nouveau travail en Belgique et ainsi conserver son titre de séjour.

28.13. Garantir le droit des migrant·es à vivre en famille, faciliter le regroupement familial, entre autres pour les parents d’enfants belges ou en séjour régulier, et supprimer les discriminations « à rebours ».

Le regroupement du noyau familial doit être facilité. Cela passe par plusieurs mesures :

  • Tout parent d’un·e enfant belge ou d’un·e enfant en séjour légal doit pouvoir vivre légalement en Belgique ;
  • Les discriminations « à rebours » existant au détriment des citoyen·nes belges par rapport aux citoyen·nes de l’Union européenne doivent être abolies ;
  • Les membres de la famille pouvant bénéficier du regroupement familial doivent être systématiquement élargis si un lien de dépendance directe existe entre la personne étrangère et son parent ;
  • Le niveau de ressources financières exigé pour faire venir des membres de sa famille proche doit être diminué, l’exigence de 120 %du revenu d’intégration sociale pour les Belges et citoyen·nes d’États-tiers supprimée. Par ailleurs, toutes les ressources des membres de la famille doivent être prises en compte, et des exceptions à l’exigence de ressources doivent être prévues pour les personnes les plus vulnérables ;
  • Les demandes de regroupement familial doivent pouvoir être introduites depuis la Belgique par la ou le regroupant, c’est-à-dire la personne ouvrant le droit au séjour en Belgique, lorsque le membre de sa famille qui souhaite le rejoindre (la ou le « regroupé ») se trouve à l’étranger et est dans l’impossibilité matérielle d’introduire la demande auprès d’un poste diplomatique belge.

28.14. Veiller à ce que le traitement des procédures d’asile réponde à des standards de qualité élevés, et ramener la durée maximale d’une procédure d’asile à six mois, délai au-delà duquel une solution durable en Belgique devra être proposée et recherchée.

Les problématiques climatique et environnementale devront être prises en compte dans la politique d’asile et de migration. Un statut spécifique pour les réfugié·es pour motifs climatiques et environnementaux devra être envisagé au niveau européen.

Les recommandations des expert·es et des organismes internationaux sur lesquels les instances d’asile se basent pour prendre leurs décisions doivent être prises en compte de manière complète et loyale.

Le délai de traitement maximal de six mois pour le traitement des demandes de protection internationale, sauf exceptions prévues dans la loi, doit être respecté par les instances d’asile. Au-delà de ce délai, une solution durable en Belgique devra être proposée à la personne étrangère, et l’examen de celle-ci devra prendre en compte l’analyse des possibilités d’obtenir un droit de séjour, à un autre titre.

Durant toute la procédure d’asile, il faut renforcer le suivi des demandeurs et demandeuses d’asile présentant des vulnérabilités psychologiques ou psychiatriques, entre autres pour mieux identifier leurs besoins procéduraux spéciaux.

L’exécution d’une mesure de retour forcée se fera toujours avec la plus grande humanité et des contrôles stricts du respect des procédures seront mis en place.

28.15. Revoir fondamentalement les politiques de retour afin que la détention des personnes étrangères en séjour irrégulier soit une mesure de dernier ressort et que les alternatives à la détention soient pleinement développées.

Un être humain ne peut être privé de sa liberté pour la seule raison que son séjour serait irrégulier. C’est la raison pour laquelle les centres de détention pour personnes en séjour irrégulier doivent, à terme, être fermés. Dans le même temps, il est nécessaire de mettre en place un cadre juridique respectueux des droits fondamentaux de ceux et celles qui, leurs demandes de séjour déboutées, vont devoir retourner dans leur pays d’origine.

Dans cette perspective, nous mettrons en place les mesures suivantes :

  • Toutes les possibilités de séjour doivent avoir été explorées avant d’entamer un processus de retour. Dans cette perspective, toute personne étrangère se trouvant en Belgique doit pouvoir être informée à tout moment des possibilités de séjour existantes (ou de retour volontaire) qui s’offrent à elle, sans craindre d’être arrêtée par les autorités ; Des centres d’orientation safe, accessibles à toutes et tous et gérés conjointement par les autorités belges et le milieu associatif, seront créés dans toutes les grandes villes du pays.
  • Nous prévoirons un statut de séjour spécifique pour les étrangers et étrangères « inéloignables » ;
  • Nous réaffirmerons l’interdiction de l’enfermement des enfants mineur·es et nous garantirons que les familles ne pourront jamais être séparées ;
  • Toute détention en centre fermé ne peut excéder une durée de deux mois. La qualité de vie dans les centres fermés doit être améliorée et la logique carcérale doit être abandonnée. Des alternatives à la détention doivent être pleinement développées ;
  • Toute détention en centre fermé doit faire systématiquement et à intervalles réguliers l’objet d’un contrôle judiciaire, qui s’étend également à l’opportunité de la mesure, et qui doit avoir lieu également avant qu’une décision de détention soit prise ;
  • Des mécanismes efficaces de détection des vulnérabilités en détention doivent être mis en place ;
  • Toute personne étrangère arrêtée (à la frontière ou en Belgique) et susceptible de faire l’objet d’un placement en détention doit pouvoir être assistée d’un·e avocat·e lors de son audition à la police (adoption d’une loi « Salduz » en droit des étrangers) ;
  • En cas d’exécution forcée d’une mesure de retour, la plus grande transparence du processus sera assurée et des contrôles stricts du respect des procédures seront mis en place.