27. Une société ouverte, en lutte contre le racisme et les discriminations
Lutter contre le racisme et les discriminations est essentiel pour construire un monde où chacun et chacune est traité·e avec dignité, respect et équité. Le racisme divise les gens, crée des injustices et de la violence dans tous les aspects de la vie, de l’éducation à l’emploi en passant par le logement, la santé ou encore le sport. Il cause des dommages profonds aux individus, aux communautés et à la société dans son ensemble.
Pour Ecolo, la diversité de notre société est une richesse. En cultivant le dialogue, la compréhension et le respect mutuel, nous voulons que chacun et chacune accède à ses droits et s’épanouissent en confiance, indépendamment de son origine ethnique, de sa religion ou de sa couleur de peau. C’est ainsi que nous bâtirons une société plus forte et plus harmonieuse.
27.1. Mettre en œuvre les plans NAPAR de lutte contre le racisme en y associant la société civile.
En 2001, la Belgique s’était engagée à un mettre en œuvre un plan national de lutte contre le racisme. Sous cette législature, nous avons contribué à faire adopter par l’État fédéral, la Wallonie, Bruxelles et la Fédération Wallonie-Bruxelles leur plan de lutte contre le racisme et les discriminations (NAPAR)
Nous voulons poursuivre sur cette lancée en assurant la mise en œuvre effective des plans par les prochains gouvernements et faire aboutir le plan inter-fédéral. Nous voulons associer la société civile à la réalisation et au suivi des plans, et dégager des moyens financiers pour ce faire.
27.2. Assurer l’accès à l’emploi des personnes issues de la migration, en luttant contre les discriminations et en valorisant leurs compétences, notamment en révisant en profondeur la procédure de reconnaissance de l’équivalence des diplômes.
Le taux d’emploi des personnes originaires de pays hors de l’UE est, en Belgique, le plus faible de l’Union européenne : 53,6 %en 2021 pour une moyenne de 63,4 %dans l’Europe des 27. La différence de taux d’emploi entre Belges et non-Européen·nes atteint 31 %. Or, leur niveau d’instruction est élevé : près de 70 %ont un diplôme de l’enseignement supérieur.
À Bruxelles, par exemple, les métiers en pénurie sont généralement ceux pour lesquels il n’existe pas d’équivalence de diplôme. C’est pourquoi nous voulons valoriser les compétences des personnes et dépasser les blocages administratifs à l’inclusion des personnes issues de la migration sur le marché de l’emploi en :
- Instaurant des procédures plus accessibles, rapides et gratuites pour établir l’équivalence de diplômes étrangers ;
- Étendant la procédure de reconnaissance et de validation des compétences formelles et informelles à de nouvelles professions et de nouveaux secteurs ;
- Accompagnant l’insertion concrète des travailleurs et travailleuses quand c’est nécessaire, par de la médiation interculturelle avec les employeurs et employeuses, à l’exemple du programme Hospi’Job.
27.3. Favoriser la diversité en entreprise en y déployant des actions positives et en veillant à l’exemplarité des pouvoirs publics, tout en stimulant l’entreprenariat des personnes issues de la migration.
Nous sommes riches de la diversité culturelle qui caractérise notre pays. Nous voulons que celle-ci se reflète partout. Il s’agit à la fois d’un impératif de justice pour les personnes concernées mais aussi d’une opportunité pour nos entreprises et nos services publics. Pour concrétiser cela, nous voulons inviter les interlocuteurs sociaux et interlocutrices sociales, et leur donner les moyens, à élaborer des actions positives (mesures visant à prévenir les discriminations sur le marché du travail). Ces mesures peuvent être du mentorat, réseaux de pair·es par secteurs, plan de lutte contre le racisme « ordinaire » dans le plan de prévention de l’entreprise, etc. Nous voulons accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de ces actions positives, notamment en favorisant la diffusion de bonnes pratiques.
En matière de politiques de diversité, les pouvoirs publics doivent être exemplaires.
L’entreprenariat des personnes issues de l’immigration est porteur de dynamisme, d’émancipation et de prospérité. Pour le stimuler, nous entendons développer le rôle des associations de personnes issues des migrations comme intermédiaire et interface entre les structures dédiées à l’accompagnement et les futurs entrepreneurs et entrepreneuses d’origine extra-européenne en besoin d’accompagnement. Nous voulons également former les Structures d’Accompagnement à l’Auto-Création d’Emploi (SAACE) et à l’accompagnement des entrepreneuses et entrepreneurs issus de la migration en prenant en compte leurs problématiques spécifiques et en tenant compte de l’aspect genre. Nous souhaitons déployer un plaidoyer à destination des structures de lancement et du secteur bancaire quant à l’octroi de fonds aux entrepreneurs et entrepreneuses d’origine extra-européenne. Enfin, nous voulons sensibiliser les élues locales et élus locaux et les chambres de commerce concernées aux problématiques et discriminations rencontrées par les entrepreneurs et entrepreneuses d’origine extra-européenne
27.4. Pratiquer une neutralité inclusive dans les administrations publiques et inscrire le principe de la neutralité et d’impartialité de l’État dans la Constitution.
Nous défendons le principe de la neutralité et de l’impartialité de l’État. Ce principe est une garantie de non-discrimination pour les usager·es des services publics. Il doit s’inscrire dans la Constitution.
L’action des agent·es du secteur public doit à tout moment garantir à chacun·e qu’elle ou il est traité·e de manière impartiale. La neutralité et l’impartialité de l’État constituent la garantie que chaque citoyen·ne, usager ou usagère du service public est respectée et n’est discriminé·e d’aucune manière par l’autorité publique. Tout acte d’une ou d’un agent public qui contreviendrait à ces principes de neutralité et d’impartialité devra faire l’objet de sanctions.
Nous défendons également une approche inclusive de la neutralité qui pose la liberté de porter des signes convictionnels comme le principe de base et l’interdiction comme l’exception.
La liste des fonctions concernées par une interdiction sera fixée, pour chaque autorité publique qui entend réglementer cette question, en utilisant les critères des fonctions d’autorité et/ou du contact fonctionnel avec un public. Une telle liste sera définie après concertation avec les représentant·es du personnel, dans la recherche d’une adhésion large à l’échelle de l’autorité concernée.
Le port de ces signes doit toujours être le résultat d’un libre choix. Aucun prosélytisme n’est acceptable.
Dans cet objectif d’impartialité de l’État et de ses administrations, nous proposons également que soit interdit, pour tout·e agent·e du service public, le port de tout signe relatif à un parti, à un·e mandataire politique ou à un·e candidat·e aux élections.
27.5. Garantir l’accès à l’apprentissage des langues officielles de la Belgique en renforçant les moyens des cours de langues officielles belges avec un soutien particulier pour les MENA.
Maîtriser la langue de la région dans laquelle on vit est une nécessité qui facilite la compréhension de son cadre de vie, les interactions avec les autres et l’accès au marché du travail.
Malheureusement, nous peinons en Wallonie et à Bruxelles à offrir des services suffisants. Un grand nombre d’inscrit·es aux cours de français langue étrangère sont aujourd’hui sur liste d’attente. Pour régler ce problème, nous voulons renforcer les moyens octroyés aux cours de langues officielles belges auprès des personnes ne les maîtrisant pas, et soutenir plus spécifiquement les MENA (mineur·es étranger·es non accompagné·es) scolarisé·es dans une langue autre que leur langue maternelle. Nous souhaitons diminuer la barrière linguistique en développant l’interprétariat en Justice, dans les institutions de santé, mais aussi la publication des formalités administratives essentielles en plusieurs langues.
27.6. Renforcer l’inspection du travail et ses outils pour lutter de manière plus effective contre les discriminations
Nous voulons en finir avec les discriminations en faisant strictement respecter les règles en la matière. Nous avons rendu les tests de lutte contre les discriminations (candidatures anonymes, mystery calls) proactifs à Bruxelles et nous souhaitons faire de même en Wallonie. Pour lutter effectivement contre les discriminations, nous avons également besoin de renforcer l’inspection du travail, et celle du logement en :
- Créant, pour chaque inspection, une cellule d’inspectrices et d’inspecteurs chargés de contrôler à temps plein de manière proactive le respect des lois, lui donner les moyens humains et financiers ainsi que l’expertise nécessaire ;
- Rendant possible l’exploration des données (data-mining) ;
- Renforçant le nombre et la qualité des tests proactifs ;
- Assurant l’application des sanctions ;
- Renforçant l’information des locataires, travailleurs et travailleuses sur leurs droits.
27.7. Lutter contre les discriminations dans le logement, notamment en imposant une formation à la législation anti-discriminations à tous les agents immobiliers et agentes immobilières.
Assurer l’accès à un logement, c’est d’abord assurer un nombre suffisant de logements, notamment publics, et des loyers accessibles. Il s’agit également de garantir l’effectivité des législations anti discriminations pour mieux lutter contre les discriminations au logement.
Selon une étude de l’UGent et de la VUB sur le parc locatif bruxellois, entre 10 et 25 %des annonceurs et annonceuses refusent catégoriquement tout nom à consonance nord-africaine ou subsaharienne ; 1/3 des annonceurs et annonceuses éliminent systématiquement les candidat·es percevant une allocation de chômage.
La méconnaissance de la législation par les professionnel·les de l’immobilier empêche de prévenir ces situations. Il est donc fondamental d’agir en amont et de faire connaître les sanctions. Pour cela, nous voulons imposer de manière structurelle un module de formation sur la législation anti-discriminations, intégré dans la formation certifiante des agents immobiliers et agentes immobilières. Pour les professionnel·les déjà en activité, ce module sera intégré dans la formation continue.
27.8. Garantir les soins de santé et l’aide aux personnes issues de l’immigration, notamment en assurant l’interprétariat et la médiation interculturelle dans les institutions de soins, et en luttant contre les stéréotypes culturels subis par certain·es patient·es.
L’accès effectif aux soins de santé et à l’aide est encore trop souvent limité par la barrière linguistique, l’analphabétisme, la fracture numérique, le manque de moyens. De plus, une série de stigmatisations s’appuyant sur des stéréotypes (tels que le syndrome méditerranéen qui voudrait que les personnes issues de la migration méditerranéenne au sens large soient peu résistantes à la douleur et réticentes au travail) continuent de créer de la souffrance chez celles et ceux qui les subissent.
Face à cela, nous voulons :
- Assurer l’interprétariat et la médiation interculturelle, notamment dans les institutions de soins ;
- Former le personnel soignant aux compétences transculturelles ;
- Sensibiliser aux stéréotypes culturels afin d’assurer la bientraitance des patient·es ;
- Améliorer les conditions de travail dans le secteur, particulièrement surchargé, afin d’améliorer la disponibilité du personnel et ainsi la qualité de l’accueil.
27.9. Protéger davantage les travailleurs et travailleuses dans les secteurs de l’aide aux personnes contre les actes discriminatoires et les propos racistes.
Les travailleuses et travailleurs issus de la migration dans le secteur de l’aide aux personnes subissent bien trop souvent de comportements racistes et stigmatisants dans l’exercice de leur métier. C’est encore plus problématique pour les interventions à domicile, où la travailleuse ou le travailleur est seul·e avec la ou le bénéficiaire. Si ces bénéficiaires ont souvent des profils de personnes fragiles ou en situation de déficience, il reste que de tels comportements ne peuvent être tolérés : ils minent les conditions de travail de ces professionnel·les et les discriminent sur leur lieu de travail.
Nous lutterons contre ces agissements en :
- Stimulant la rédaction et la diffusion de chartes conciliant les droits du personnel et des bénéficiaires afin de lutter contre les propos et comportements racistes et discriminants ;
- Favorisant la médiation interculturelle et l’ouverture d’espaces de discussion pour traiter les comportements discriminatoires ;
- Assurant la supervision des équipes par des professionnel·les externes aux structures concernées, afin d’accompagner le personnel dans les difficultés rencontrées dans son métier.
27.10. Faire du monde sportif un milieu accueillant et respectueux en formant les acteurs et actrices aux discriminations, et en facilitant le signalement de celles-ci.
Il n’y a pas que Romelu Lukaku qui quitte le terrain après avoir subi des comportements racistes. Malheureusement, ces événements ont lieu sur tous les terrains, et le sport amateur représente 3 plaintes sur 4 reçues par UNIA. Il est nécessaire de sensibiliser, de responsabiliser et d’outiller aussi bien les entraîneurs et entraîneuses, les joueurs et joueuses que les spectateurs et spectatrices.
Pour y remédier et faire du milieu sportif un milieu accueillant et respectueux de toutes et tous, nous voulons développer la formation systématique du personnel des clubs et des fédérations sportives aux discriminations, à la gestion de la diversité et à l’inclusion, aussi bien contre le racisme que contre les LGBTQIA+phobies, et implémenter un mécanisme de signalement des discriminations qui soit unique et facile d’accès.
27.11. Encadrer la politique et la pratique de profilage professionnel au sein de la police.
La police recourt au quotidien à des pratiques de profilage et de sélectivité (pour repérer une personne suspecte par exemple). Malheureusement, ces pratiques prennent souvent la forme de profilage ethnique bien qu’il soit interdit et revête souvent un caractère discriminatoire.
Le profilage ethnique nuit non seulement à la légitimité et à l’efficacité des services de police aux yeux de la population, mais il entraîne également une rupture de confiance et une polarisation dans la société, certains groupes de citoyen·nes ne se sentant pas protégés par la police.
C’est pourquoi nous voulons encadrer et baliser clairement le recours au profilage en enregistrant et motivant les contrôles d’identité afin de les rendre disponibles aux personnes contrôlées et en renforçant l’offre de formation des policiers et policières sur les discriminations et sur la polarisation de la société.
Nous souhaitons, par ailleurs, interdire via la législation belge et européenne la catégorisation biométrique via des intelligences artificielles, c’est-à-dire interdire les systèmes qui catégorisent les personnes spécifiquement en fonction de caractéristiques sensibles dont l’ethnicité, la santé, la sexualité ou le genre.
L’objectif est à la fois de diminuer la discrimination mais aussi de renforcer la transparence sur le travail des forces de l’ordre. Cela permettra par ailleurs aux policiers et policières de disposer des preuves matérielles justifiant leurs actions.
27.12. Atteindre l’égalité de traitement entre les religions et mouvements philosophiques reconnus.
On ne peut se référer continuellement à la neutralité de l’État sans s’assurer qu’il y ait un traitement égal de celui-ci envers les cultes et les organisations reconnus. Dès lors que des cultes rencontrent les attentes légales, ils doivent être traités comme les autres cultes reconnus et la laïcité organisée, à égalité de droits et de devoirs. Nous voulons réformer le système actuel de financement des cultes afin de traiter toutes les communautés confessionnelles et non confessionnelles de façon égale. Nous souhaitons de plus accompagner cette réforme d’une simplification administrative, un appui aux communes, une meilleure connaissance des communautés cultuelles locales et le contrôle légal des dépenses publiques et des flux financiers.
27.13. Lancer des « Assises des personnes adoptées » afin de formuler des mesures pour améliorer les droits des personnes adoptées.
L’adoption est une rencontre entre un·e enfant et une nouvelle famille. Elle est un long parcours pour chacune des personnes impliquées. De nombreuses voix, et d’abord des premières et premiers concernés, s’élèvent pour améliorer les droits des personnes adoptées, lutter contre l’acculturation que peut entraîner l’adoption, faciliter l’accès à l’historique de la personne adoptée, aux antécédents médicaux, innover dans l’accompagnement aux familles et aux personnes adoptées.
Nous voulons organiser un processus menant à des « Assises des personnes adoptées » afin de rassembler les personnes et associations concernées, les expert·es académiques, les institutions impliquées, et de formuler des mesures pour améliorer les droits des personnes adoptées.
27.14. Poursuivre et amplifier le travail de mémoire coloniale, en présentant des excuses officielles aux peuples congolais, burundais et rwandais ; en restituant les œuvres spoliées ; en faisant de l’espace public un levier de lutte contre la propagande coloniale et en incluant l’histoire de la colonisation et de l’esclavage dans le cursus scolaire.
À l’instar des expert·es de la commission d’enquête parlementaire, nous plaidons pour que la Belgique présente des excuses officielles aux peuples congolais, burundais et rwandais pour la domination et l’exploitation coloniales, les violences et les violations individuelles et collectives des droits humains pendant cette période, ainsi que pour les discriminations et le racisme qu’elles ont alimentés.
Ces excuses ouvrent la voie de la reconnaissance et d’une forme de réparation.
Plus globalement, nous voulons poursuivre et amplifier le travail de mémoire coloniale en mettant en œuvre les actions suivantes :
- Faire de l’espace public un espace de lutte contre la propagande coloniale et ses conséquences (stéréotypes, préjugés, discriminations…) en diversifiant notre espace public, ses noms de rue, ses statues et expressions artistiques, en mettant à l’honneur des personnes résistantes en Afrique et en Europe à la colonisation, à l’esclavage et aux crimes contre l’humanité ;
- Mieux inclure l’histoire de la colonisation et de l’esclavage dans le cursus scolaire (en particulier au sein de l’enseignement secondaire supérieur et de l’enseignement supérieur), grâce à la formation des enseignant·es, la révision des référentiels et à l’amélioration des outils éducatifs à disposition ;
- Soutenir les initiatives mémorielles destinées aux jeunes comme aux adultes, portées par les organisations de jeunesse, les professionnel·les de l’éducation permanente et de la culture ;
- Poursuivre et amplifier la restitution des œuvres spoliées. Nous soutiendrons le travail sur la recherche de provenance afin de s’assurer de l’origine des objets. Dans le cas d’une spoliation, les objets doivent être rendus aux communautés d’origine ;
- Comme le recommande le Comité de bioéthique, interdire l’exposition des restes humains issus de la période coloniale et en interdire le commerce tant au sein de l’Union européenne qu’avec des pays tiers.
27.15. Continuer à soutenir structurellement les associations issues de la diversité, valorisant la diversité culturelle et/ou luttant contre le racisme et les discriminations.
La dispersion des moyens et la difficulté à obtenir un soutien structurel fragilise le travail de nombreuses associations issues de la diversité, valorisant la diversité et/ou luttant contre le racisme, notamment l’antisémistime, l’asiaphobie, l’islamophobie, la négrophobie. Nous voulons renforcer les moyens nécessaires pour soutenir durablement ce secteur associatif et pérenniser son action. Il est essentiel que la lutte contre les différentes formes de racisme et les discriminations rassemble le front le plus large possible de soutiens en veillant à garantir aux personnes concernées en première ligne une place centrale de protagonistes dans leur propre émancipation.