La démocratie comme projet
Tout au long de la législature et à tous les étages de la maison Belgique, l’actualité a révélé au grand jour une série de scandales : Publifin en Wallonie, le Samusocial à Bruxelles, le Kazakhgate au fédéral… Ces scandales impliquaient tous – à des degrés divers – des représentants des trois partis traditionnels. Ces dossiers d’une gravité extrême n’ont cessé, ces cinq dernières années, de saper la confiance des citoyens envers leurs institutions et leurs élu·e·s.
Si les plus optimistes souligneront à juste titre que leur explosion au grand jour montre que les gardes-fous démocratiques fonctionnent bel et bien, les plus pessimistes diront que ces scandales sont inhérents à un système complexe, opaque, qui encourage les cumuls et les conflits d’intérêt, et nourrit un entre-soi toujours plus déconnecté des citoyen·ne·s.
Quoi qu’il en soit, ces scandales à répétition illustrent d’une façon dramatique une double nécessité : d’une part celle d’un assainissement profond des pratiques de la démocratie représentative, d’autre part celle d’une refondation de la démocratie autour de la participation citoyenne.
Assainir les pratiques en posant des gardes-fous
Chaque année, l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique) publie le baromètre de la confiance des citoyens envers leurs institutions. Et si les enseignants (90% d’avis favorables), l’armée (89%), la santé (88%), la police (86%) et la justice (73%) s’en sortent plutôt bien, on ne peut pas en dire autant des politiciens (36%) et des partis (32%). Ces résultats ont de quoi nous effrayer, quand on sait les menaces qui pèsent aujourd’hui en Europe sur la démocratie. Populismes, extrémismes et dérives autoritaires ne sont plus seulement à nos portes, certains se sont déjà installés au pouvoir.
Face à un système en crise, nous pouvons aujourd’hui assainir les pratiques politiques et améliorer la gouvernance, et parallèlement, rendre confiance aux citoyens. Avec, notamment, une mesure efficace : le décumul.
Le décumul des mandats est un cheval de bataille historique de la bonne gouvernance. La fonction de ministre, de député, est assez importante et assez rémunérée pour justifier un emploi et un mandat à temps plein.
Et par ailleurs, le décumul, c’est également éviter tout conflit d’intérêt entre un mandat politique et une autre fonction, qu’elle soit publique ou privée. Le décumul garantit donc l’intérêt général, mais il élargit aussi la démocratie, en assurant une participation plus importante de citoyen·ne·s aux responsabilités.
Néanmoins, si l’assainissement des pratiques est une étape nécessaire, elle n’est, pour autant, pas suffisante. Il nous faut réinventer des formes de participation politique permettant de s’exprimer, de délibérer et d’agir. Ensemble.
Changer de logiciel démocratique
Dans nos systèmes démocratiques dits « représentatifs », l’action citoyenne se limite trop souvent à voter une fois tous les quatre ou cinq ans. Entre ces moments, où les politiques rendent des comptes et exposent leur vision de société, le citoyen est placé dans une position passive par rapport à la démocratie.
Ouvrir aux citoyens l’espace de la responsabilité politique et permettre par là de réduire ce sentiment diffus d’impuissance, voire de fatalité, et ce sans devoir adhérer à un parti politique quel qu’il soit, c’est le principe de base du « droit d’initiative citoyenne ».
Suivant ce mécanisme, tout citoyen ayant rassemblé un nombre suffisant de signatures peut soumettre sa proposition de texte au vote de son conseil communal ou de son assemblée parlementaire, pour qu’elle soit débattue et, le cas échéant, adoptée et mise en oeuvre. Et en cas de rejet, ces citoyens peuvent demander l’organisation d’une consultation populaire pour que la population elle-même se prononce. Ce système est d’application au niveau communal et cantonal en Suisse.
En échangeant régulièrement sur les questions publiques, les citoyens en font leur affaire et reprennent goût à la politique. Au final, un tel processus participatif permettrait de renforcer la légitimité des citoyens et de leurs représentants, mais également des décisions qui sont issues des débats publics.
Enodia, Publifin, Nethys, où en est-on en mars 2019 ?
Tout le monde se souvient de l’affaire Publifin : dans une structure nébuleuse, des mandataires des trois partis traditionnels reçoivent des sommes démesurées à travers des mandats quasi fictifs dans des comités de secteurs qui ne se réunissent pas.C’est un système de pratiques inadmissibles qui est alors mis au jour, avec une confiscation du pouvoir des communes par un groupe de quelques personnes qui s’octroient des rémunérations abusives. Le scandale éclate et une commission d’enquête est organisée par le Parlement de Wallonie. Après un travail salué largement, une série de recommandations sont adoptées à l’unanimité.
Aujourd’hui (début mars 2019), si une série de réformes ont été adoptées par le Parlement, quasi rien n’a réellement changé au sein de Publifin – Nethys (sauf la sortie de Resa) !
Les responsables qui devaient être mis à l’écart sont toujours en place et ont même augmenté leur influence.
La structure devait être simplifiée. Elle s’est encore complexifiée, avec des filiales encore plus éloignées des communes.
Le Gouvernement refuse de vérifier que les contrats ont bien été revus pour respecter les plafonds de rémunérations.Ecolo demande que les recommandations soient mises en œuvre et que le Groupe soit entièrement réorganisé en une structure publique transparente.
Et le tirage au sort ?
En parallèle des assemblées existantes, il est possible de constituer des assemblées mixtes, composées de citoyen·ne·s tiré·e·s au sort et d’élu·e·s. Ces citoyen·ne·s tiré·e·s au sort seraient formé·e·s pour assumer cette fonction, et bénéficieraient d’une rémunération adaptée et d’un soutien ad hoc.
Ces assemblées « jumelles » pourraient être centrées sur les priorités à long terme de développement de nos sociétés, ce qui pourrait transformer fondamentalement notre démocratie en faisant contrepoids aux assemblées classiques, qui fonctionnent trop souvent sur des contraintes de court terme.